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Une rencontre avec Bernie Glassman, "clochard céleste"

par Fabienne Delpy

Photographie : Bernard Glassman (© Peter Cunningham)J'ai entendu pour la première fois le nom de Bernie Glassman (photographie ci-contre) lors d'une conversation amicale portant sur les retraites qu'il organise à Auschwitz. Dans un premier temps, le concept de ces retraites m'a semblé tout à fait curieux. Pourquoi des hommes et des femmes issus de différentes confessions décidaient-ils chaque année de passer plusieurs jours dans le lieu le plus effroyable que l'on puisse imaginer ? Pour ma part, je me voyais bien entreprendre une sesshin dans un monastère retiré du monde, méditant face à la montagne ou à l'océan, mais certainement pas sous les barbelés entourant le quai de déchargement où tant de vies avaient tourné au cauchemar le plus atroce. Cette idée me déconcertait.

Pourtant, à bien y réfléchir, je comprenais peu à peu qu'elle était particulièrement riche de sens ; c'était un acte de témoignage et de mémoire en même temps qu'une source d'apaisement ("de guérison") pour les participants et l'esprit des personnes déportées. Par extension, ce processus de témoignage et de guérison pouvait être bénéfique à l'ensemble de la société.

J'avais envie d'en savoir plus sur Bernie Glassman, l'initiateur de ces retraites en Pologne, mais aussi d'éprouvantes retraites de rues et de diverses activités à caractère social au sein de son mouvement, le Peacemaker Order. Peu après la parution française de son livre, L'art de la Paix, la rencontre proposée par les responsables français du Peacemaker Order était l'occasion d'approcher de plus près ce personnage précédé d'une réputation peu commune...

Au centre Dana de Montreuil où était organisée cette journée du Peacemaker Order, ma première rencontre avec Bernie a lieu dans la cuisine où, attablé devant une bonne tasse de café, il discute avec son traducteur. Avec ses sourcils broussailleux, ses cheveux ramenés en queue-de-cheval et son tour de taille confortable, Bernie est pour le moins éloigné de l'idée que l'on se peut se faire d'un maître zen vivant au rythme ascétique des sesshin. Il donnerait plutôt l'image d'un terrien solide et profondément honnête, un tantinet bourru. Il me semble même qu'il pourrait se réclamer d'une certaine tradition sinon d'excentricité du moins d'anti-conformisme existant au sein des écoles zen depuis les origines. J'ai instantanément envie de faire le parallèle avec certains portraits de Chikotsu Dai'e ou Zhongfeng Mingben, deux moines "originaux" du quatorzième siècle dont la carrure puissante et l'expression mi-rêveuse mi-revêche reflètaient sans aucun doute le solide tempérament.

Les premières présentations faites, les participants sont conviés à rejoindre le zendô pour une matinée de discussion. Lorsque Bernie a l'occasion de s'exprimer afin de répondre à certaines questions, il choisit de le faire brièvement, préférant laisser la parole aux apprentis Peacemakers. Écoute, témoignage, partage de paroles et d'émotions sont les principes qu'il aimerait voir à l'œuvre chez les sympathisants de son mouvement. Contrairement à ce que j'avais pu penser, Bernie n'a pas l'air de considérer que ces temps d'écoute et de partage sont un simple préalable à l'action et à l'engagement social ; il semble qu'il leur attribue un rôle plus central, quitte à donner l'impression que l'action est secondaire. Ainsi, lorsque le responsable français des Peacemakers lui demande s'il souhaite que les participants proposent des actions à entreprendre ou bien partagent simplement leurs expériences et leurs sentiments, la réponse est sans équivoque : il s'agit avant tout d'un temps de partage.

Au fil de la journée, la parole est donc donnée aux participants afin qu'ils évoquent leurs propres engagements et leurs interrogations. À la question jugée un peu pointilleuse de quelqu'un qui s'interroge sur l'importance à donner à la finalité des actions sociales, Bernie répond sur un ton presque agacé qu'il est pour sa part un homme simple, et qu'au fond, les débats intellectuels l'indiffèrent parce qu'ils ne font que le détourner de l'action qu'il a décidée d'accomplir. Et de citer à nouveau la parabole qui lui est chère : un puits sec dans lequel on jette quelques cuillerées de neige n'est déjà plus un puits sec...

Si le raccourci peut sembler un peu brutal, il est certainement représentatif de la méthode Glassman : l'essentiel est de se tenir au cœur de la vie et non dans sa périphérie, d'oser se confronter personnellement à la réalité dans sa globalité et sa multiplicité, d'en faire l'expérience sensible en laissant de côté les préjugés et les questionnements qui sont le produit de l'esprit. Il nous invite à renoncer aux petits aménagements habilement négociés avec notre conscience.

Mais pour cela, il ne faut compter que sur nous-mêmes : chacun doit trouver son rôle et sa place, décider de l'engagement qu'il a envie ou non de prendre. Les Peacemakers sont invités à partager leurs émotions et leurs expériences, plutôt qu'à intégrer des programmes ou des projets déjà existants. En cela, le message de Bernie Glassman me semble un peu difficile à diffuser dans un pays comme la France où nous ne sommes guère habitués à mettre nos émotions à nu ailleurs que dans le cabinet d'un psychanalyste.

Trouver en soi l'émotion et l'énergie nécessaires pour agir au service des autres est une chose, les canaliser et les mettre réellement à profit en est une autre. Le passage entre les deux est un cap délicat et Glassman n'arrive pas avec des réponses toutes faites. Il préfère faire confiance à chacun sans rien imposer, considérant que le potentiel de compassion que nous possédons tous finira par germer à son propre rythme, peut être demain, peut-être l'année prochaine.

Au terme de la journée, Bernie s'apprêtait à partir pour d'autres destinations, Belgique, États-Unis, Israël, ou d'autres hommes de bonne volonté ont eux aussi des puits secs à remplir. Le message qu'il nous laisse est simple : ici, maintenant, c'est à nous de décider de ce que nous voulons faire pour devenir à notre tour des faiseurs de paix.

Reproduction interdite. [Télécharger et imprimer le texte complet au format pdf]. Photographie : Peter Cunningham (reproduite avec son aimable autorisation).  


Sur le site on lira également :

Ils ont prié ensemble à Auschwitz, impressions de la retraite organisée par Bernard Glassman en novembre 1996
La spiritualité engagée de Bernard Glassman, une interview de Bernard Glassman réalisée par Ursula Gauthier
Les trois purs préceptes et Bodhidharma, une causerie de Bernard Glassman
Le déni, un texte de Bernard Glassman, extrait de son livre L'art de la Paix


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