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Eihei Dôgen (1200-1253)

DogenUn seul homme a été l'artisan de l'implantation du zen en France : le moine Taisen Deshimaru (1914-1982). Pour ceux qui l'ont connu, sa seule présence était un coup de poing à l'entendement qui répondait aux besoins de spiritualité et de réflexion intérieure de la fin des années 70. Taisen Deshimaru appartenait à l'école zen dite Sôtô en japonais ou Caodong en chinois, du nom de ses deux fondateurs éponymes, les maîtres Honjaku du mont Sô (840-901) et Ryôkai du mont Tô (807-869) ; le premier était le disciple du second. Cette école fut importée au Japon par le moine Eihei Dôgen (1200-1253). Elle y survit avec les écoles Rinzai et Ôbaku comme seules héritières du bouddhisme zen chinois.

L'école Sôtô, comme la plupart des écoles bouddhistes japonaises, s'est aujourd'hui sécularisée. L'idéal érémitique et ascétique des premières communautés zen comme celle de Dôgen a aujourd'hui pour ainsi dire disparu. Le maître zen n'assume plus qu'une fonction héréditaire et sociale. Au début du vingtième siècle, une poignée de moines sôtô emportés par un idéal religieux, essayèrent de vivre au quotidien un zen plus préoccupé de recherche spirituelle que de recherche matérielle. Certains préféraient rejoindre les rangs des monastères rinzai, célèbres pour leur intransigeance, comme Daiun Harada (1871-1961) qui créa une forme hybride de zen, empruntant à l'une et l'autre des traditions Sôtô et Rinzai [1]. D'autres se retiraient pour étudier et méditer, notamment l'abondante littérature laissée par Dôgen, en premier son œuvre maîtresse le Shôbôgenzô, "le trésor de l'œil de la vraie Loi". Ce fut le cas des célèbres Kôdô Sawaki (1880-1965) [2] et de son ami et coreligionnaire Ekô Hashimoto [3] qui initièrent un mouvement de rénovation à l'intérieur même de leur école. Ces moines se reconnaissaient difficilement dans l'école Sôtô moderne, certains se raillant d'elle sous l'appellation sarcastique de Shushôgishû, "l'école du Shushôgi", du nom de son credo. Ce texte composé en 1870 qui se présente comme une brève compilation en dix points d'extraits du Shôbôgenzô a comme particularité de passer sous silence la pratique de la méditation assise (jap. zazen), pourtant la clé de l'œuvre de Dôgen. Par contraste, ils préféraient appeler leur courant rénovateur Dôgenshû, "l'école de Dôgen". L'appareil de l'école Sôtô a toujours entretenu des rapports ambigus avec ces moines, parfois les exaltant, parfois les tolérant, parfois les critiquant.

Indépendamment de cette lecture de Dôgen comme caution d'un zen rénové, une autre lecture s'est fait jour dans le cercle des intellectuels japonais des années 1920-30. Au-delà des aspects bouddhistes et sectaires, ils voyaient et reconnaissaient en Dôgen l'un des plus grands penseurs et écrivains japonais dont la pensée dépassait le cadre idéologique du zen. Cette nouvelle vision ouvrit la voie à de nombreuses recherches et spéculations, des universitaires s'attaquant à une analyse critique de son œuvre.

Par sa difficulté de lecture, Dôgen reste cependant encore largement méconnu en Occident. Son Shôbôgenzô rebute en premier lieu les traducteurs. Les deux premiers essais de traductions intégrales, celles de Kôsen Nishiyama [4] et de Yuhô Yokoi [5] abondent en contresens et simplifications. À ce jour, seule la version anglaise de Nishijima Gudô et de Chôdô Cross [6] mérite réellement le nom de traduction. Elle est à plus d'un titre remarquable, restant au plus près du texte. Le projet ambitieux du Sôtô Zen Text Project sous la houlette de Carl Bielefeldt et de plusieurs de ses confrères américains et japonais viendra, lui, peut-être à bout des subtilités de cette œuvre immense et complexe que laissa inachevée Dôgen. Les traductions publiées en ligne et sur papier comporteront un appareil important de notes et de commentaires.

Les premiers manifestes que Dôgen composa, le Fukanzazengi ("Recommandations générales concernant la pratique de la voie", 1227), le Bendôwa ("Sur la négociation de la voie", 1233) et le Gakudô yôjin shû ("Recueil des points à observer dans l'étude de la voie", 1234) contiennent déjà en germe nombre de développements ultérieurs.

Hormis le Shôbôgenzô, ses plus importantes œuvres sont le Shôbôgenzô zuimonki ("Recueil de choses entendues à propos du Shôbôgenzô"), le Eihei Shingi ("Les régles pures d'Eihei") et le Eihei kôroku ("Le recueil complet d'Eihei"). Le Zuimonki est une compilation d'entretiens informels des années 1235-37 recueillis par ses disciples ; le Eihei Shingi, une compilation de six opuscules concernant les rituels d'un monastère zen ; le Eihei kôroku en dix parties, une compilation de prédications formelles et de poésies. Quoique les réductions soient des trahisons, le Zuimonki est plutôt moraliste et le Kôroku et le Shingi plutôt formalistes. On y pressent à peine que Dôgen cherche constamment à repenser le bouddhisme. Sans la préservation de ce Shôbôgenzô, l'œuvre de sa vie, Dôgen ne nous serait jamais apparu comme le philosophe qu'il était. Il ne s'agit pas là bien sûr de philosophie à l'Occidentale. Il s'agit de philosophie bouddhiste dans la lignée des grands penseurs indiens comme Nâgârjuna ou Vasubandhu.

À la différence du Zuimonki par exemple, simple recueil de brefs enseignements oraux, il est indéniable que le Shôbôgenzô est une œuvre écrite ou à défaut pensée par et à travers l'écriture. Ce qui la rend si difficile au lecteur. Les maîtres zen de l'époque Song écrivaient peu. Son propre maître, Rujing, n'a laissé aucun écrit hormis quelques poèmes. Mais Dôgen, lui, pense les mots qui deviennent le support privilégié de sa pensée. Sa pensée se réfléchit dans sa pratique et sa pratique se mire dans sa pensée, les mots servant de jeux de miroir. Dans le Shôbôgenzô se mêlent dans une incroyable complexité – dans un entrelacement (jap. kattô) dirait Dôgen – une pensée et une pratique originale du bouddhisme. Dôgen se proposait rien moins que de réécrire le bouddhisme.

À nous de le suivre.



Notes

[1] Daiun Sogaku Harada (1871-1961) fut ordonné moine très jeune dans la tradition sôtô. Jeune homme, il étudia pendant sept ans au monastère rinzai de Shôgenji et, à l'âge de quarante ans, après dix ans d'études à l'université bouddhiste de Komazawa, il devint l'assistant de Dokutan Toyota (1840-1917), supérieur du Nanzenji, l'un des plus importants monastères rinzai. Après avoir reçu sa confirmation (jap. inka), Harada devint l'abbé du monastère d'Hosshinji. Hakuun Ryôko Yasutani (1885-1973), également ordonné moine au sein de l'école Sôtô, fut l'un de ses principaux disciples. Après avoir étudié avec plusieurs maîtres, celui-ci devint en 1925 son disciple et reçut son approbation en 1943. Yasutani s'est formellement séparé de l'école sôtô en 1954 en créant sa propre organisation, l'école Sambô Kyôdan ("la société des trois trésors"). Bien que reconnaissant que l'assise en silence représente la forme la plus pure de la méditation, Harada et Yasutani s'élevèrent contre la position actuelle de l'école Sôtô qui, depuis le dix-huitième siècle, dénie quelque importance à l'illumination (jap. satori) et n'utilise plus les kôan dans la méditation. Dans leur système, chaque disciple doit passer plusieurs centaines de kôan, avant de pouvoir aborder définitivement l'assise sans support. [À lire sur le site : Les figures de l'école Sôtô moderne] [Retour].

[2] Jeune adolescent, et pour fuir une condition miséreuse, Kôdô Sawaki entra au monastère d'Eiheiji, dans la préfecture de Fukui, l'un des deux sièges de l'école Sôtô. Là, il ne put y trouver qu'une place d'employé aux cuisines, n'étant ni moine ni présenté par un chef de temple. Par la suite cependant, il put rencontrer ses deux maîtres, Kôhô Sawade, un homme simple qui était le supérieur du temple de Daijiji dans l'île de Kyûshû et qui lui donna l'ordination de moine, et Fueoka rôshi. Après la guerre sino-japonaise, où il fut grièvement blessé, Kôdô Sawaki occupa plusieurs postes dans différents temples. Il se retira ensuite trois ans (de 1914 à 1917) pour se consacrer à la méditation et à l'étude du Shôbôgenzô. Sa réputation grandit rapidement en quelques années. Dans les années 1935, il occupa un poste d'enseignant à l'université bouddhiste de Komazawa et devint directeur des moines (jap. godô) au monastère de Sôjiji (à l'extrême-gauche sur cette photographie prise à Sôjiji). Pendant la guerre, il dirigea des retraites rigoureuses restées célèbres à Daichûji, un petit temple près de Kyôto. Après la guerre, n'ayant pas de temple, il continua inlassablement ses pérégrinations dans tout le Japon, ce qui lui valut le surnom de "Kôdô sans demeure". À la fin de sa vie, il se fixa dans le temple d'Antaiji, près de Kyôto où il mourut en décembre 1965. [À lire sur le site : Les figures de l'école Sôtô moderne] [Retour].

[3] Ekô Hashimoto (1890-1965) fut le supérieur du monastère de Zuiôji. Celui-ci mit l'accent sur un retour à la vie monacale et sur un style dépouillé dit nyohô (lit. "conforme aux règles"). Son principal successeur, Ikkô Narazaki, décédé en 1996, fut vice-abbé du monastère d'Eiheiji. Un autre de ses disciples, Dainin Katagiri, fonda le Minnesota Zen Meditation Center aux États-Unis. [À lire sur le site : Les figures de l'école Sôtô moderne] [Retour].

[4] Nishiyama Kôsen avec la collaboration de John Stevens, Steve Powell, Ian Reader, et Susan Wick, Shôbôgenzô. The Eye and Treasury of the True Law , Nakayama Shôbô, quatre volumes, 1975-1983. [Retour].

[5] Yokoi Yûhô et Daizen Victoria, Zen Master Dôgen: An Introduction with Selected Writings, Weatherhill, 1976, suivi de Yokoi Yûhô, The Shôbô-genzô, Sankibô Buddhist Bookstore, 1986. [Retour].

[6] Master Dôgen’s Shôbôgenzô, Windbell Publications, quatre volumes parus, 1994-1999. [Retour].



Sur le site :

Une biographie de Dôgen en dix chapitres : [1] Sources biographiques ; [2] Une jeunesse aristocratique ; [3] Études Tendai ; [4] Le départ - les deux premières années en Chine ; [5] La rencontre avec Rujing ; [6] Se dépouiller du corps et de l'esprit ; [7] Retour au Japon - Kenninji, les premières années au Kôshôji ; [8] Les dernières années à Kôshôji ; [9] Le départ vers Echizen - la construction du Daibutsuji ; [10] Les dernières années à Eiheiji.
L'expérience corporelle de la non-dualité chez Maître Dôgen, un article de réflexion d'Éric Rommeluère
Un commentaire de Nishijima rôshi sur un quatrain de Dôgen (en anglais ) et sa traduction en français
Les œuvres de Dôgen, une liste de ses principaux ouvrages
Fukan-zazengi: The Standard of Sitting-Zen Recommended for Everyone, une nouvelle traduction anglaise de Gudô Nishijima et de Chôdô Cross de janvier 2003
Le Shôbôgenzô - pour s'y retrouver, un état des différentes compilations de l'œuvre de Dôgen
Shôbôgenzô zazengi, "Les règles de la méditation", la traduction du onzième chapitre du Shôbôgenzô
Shôbôgenzô zenki, "La totale activité", la traduction du vingt-deuxième chapitre du Shôbôgenzô
Shinji Shôbôgenzô, une compilation de kôan par Dôgen


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