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Le chant de l'ermitage d'herbes

Caoanke / Sôanka


Shitou Xiqian (jap. Sekitô Kisen, 700-790, portrait ci-contre) est vénéré comme l’un des grands maîtres zen de la Chine ancienne, deux générations après Huineng, le sixième patriarche. Shitou s’établit sur le mont Heng dans le Hunan, l’une des cinq montagnes sacrées de la Chine. Là y bâtit une hutte sur un long promontoire de pierre où il s’adonnait continuellement à la méditation (son surnom de Shitou lui vint du nom de sa hutte, Shitouan, "l’ermitage de l’éminence rocheuse"). Trois écoles zen, dont l’école Caodong (jap. Sôtô) introduite au Japon par Dôgen (1200-1253), font remonter leur lignée à Shitou.

Le chant de l’ermitage d’herbes, en chinois Caoanke, en japonais Sôanka, appartient au genre des poésies chantées. La précarité de l’ermitage symbolise la fragilité et la fugacité de l’existence humaine, mais par l’exercice de la méditation, chacun pourra y trouver une assise : tel est son thème général. Dôgen semble avoir particulièrement apprécié ce poème puisqu’il le cite à de nombreuses reprises dans ses propres écrits.

La version originale en chinois étant parfois ambiguë, la traduction française suit ici la lecture traditionnelle japonaise de l’école Sôtô. Le chant de l’ermitage d’herbes a également fait l’objet d’une traduction anglaise – discutable – de Taigen Dan Leighton & Yi Wu dans The Silent Illumination of Zen Master Hongzhi, Tuttle Publishing, 2000, pp. 72-73.

Vous pouvez télécharger la version orginale chinoise avec la version japonaise, la traduction et les notes explicatives (format pdf).


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草庵歌
Le chant de l'ermitage d'herbes

吾結草庵無寶貝、飯了從容圖睡快。
Lorsque j’ai bâti mon ermitage d’herbes [1], je ne possédais rien de précieux.
Après manger, j’aime y faire tranquillement la sieste.
成時初見茆草新、破後還將茆草蓋。
Une fois achevé, de nouvelles herbes sont aussitôt apparues.
Quand s’il s’abîmera, je le recouvrirai à nouveau d’herbes.
住庵人、鎭常在。不屬中間與内外。
J’habite cet ermitage où je vis pour toujours, [2]
Sans dépendre d’un dedans, d’un dehors ou d’un entre-deux.
世人住處我不住、世人愛處我不愛。
Les lieux où demeurent les hommes du profane, je ne demeure.
Les lieux qu’ils chérissent, je ne les chéris.
庵雖小、含法界。方丈老人相體解。
Quoi que petit, cet ermitage contient l’univers tout entier.
Il a pour corps ce vieil homme dans sa cellule de dix pieds carrés. [3]
上乘菩薩信無疑、中下聞之必生怪。
Sans doute aucun, un bodhisattva du véhicule supérieur en conviendra.
Mais s’ils prêtent l’oreille, le moyen et l’inférieur trouveront cela certainement étrange. [4]
問此庵、壞不壞。壞與不壞主元在。
Cet ermitage s’effondrera-t-il ou non ? Si on me le demande,
Je dirais que, destructible ou indestructible, le maître s’y trouve depuis toujours.
不居南北與東西、基址堅牢以爲最。
Il ne se tient ni au sud ni au nord ni à l’est ni à l’ouest.
Son fondement est des plus fermes [5], il ne peut être surpassé.
青松下、明窓内。玉殿朱樓未爲對。
Sous la verdure des pins, dans la clarté de la fenêtre,
Même les tours vermillonnes d’un palais de jade ne pourront l’égaler.
衲帔幪頭萬事休、此時山僧都不會。
La tête recouverte d’une cape [6], toute la multitude des préoccupations a disparu.
À ce moment-là, moi, le moine de montagne, je n’en connais plus une seule [7].
住此庵、休作解。誰誇鋪席圖人買。
À vivre dans cet ermitage, je ne recherche plus la libération.
Qui fera le boniment de sa boutique pour lui trouver preneur ?
迴光返照便歸來、廓達靈根非向背。
Si vous retournez la lumière et que vous la faites revenir,
La racine spirituelle vaste et spacieuse ne se tourne ni ne se détourne.
遇祖師、親訓誨。結草爲庵莫生退。
Rencontrez les maîtres-patriarches, soyez familier de leurs enseignements,
Nouez des herbes et construisez un ermitage, sans jamais renoncer.
百年抛却任縱横、擺手便行且無罪。
Si on s’abandonne la vie entière, on s’adonne à la liberté.
Que l’on avance les mains ouvertes, et n’y aura plus de faute.
千種言、萬般解。只要教君長不昧。
Par milliers, tous ces mots et ces explications
Ne servent qu’à vous libérer à jamais de l’obscurcissement.
欲識庵中不死人、豈離而今遮皮袋。
Si vous voulez connaître l’immortel en son ermitage,
Pourquoi quitteriez-vous ce sac de peau d’à présent ? [8]

Notes :

[1] 吾結草庵 (lecture japonaise 吾れ草庵を結ぶに) : Lit. "J’ai lié/bâti/ une hutte de branchages/d’herbes". 草 est un terme générique pour toutes les herbacées, la paille, le foin, etc. Dans un contexte zen, 草庵 désigne les ermitages bâtis en-dehors des monastères. La lecture traditionnelle japonaise de ce vers ajoute un "lorsque" implicite, les quatre premiers vers étant marqués par la scansion du temps avec des allers-retours passé-futur. [Retour]
[2] 住庵人鎭常在 (lecture japonaise 住庵の人、鎭に常に在り) : Lit. "[Moi], l’ermite, [j’y] vis pour toujours." Au long du poème, Shitou utilise trois formes pronominales pour se désigner lui-même, "l’ermite", "le vieil homme dans dix pieds carrés" et "le moine de montagne". La proposition 鎭常在 est équivoque. On pourrait lire "[j’y] demeure calme et constant", mais la lecture japonaise de ce vers comprend 鎭常 comme un adverbe, "pour toujours". [Retour]
[3] 方丈老人相體解 (lecture japonaise 方丈の老人、相體解す) : Lit. "[Moi], vieil homme dans dix pieds carrés, nous nous donnons chair l’un à l’autre." 相體解 est une forme complexe où 相 est un préfixe verbal ("l’un l’autre") et 體解 le verbe "incarner, donner corps à". [Retour]
[4] Supérieur, moyen, inférieur : Une référence aux trois véhicules de bodhisattva, de bouddha-pour-soi et d’auditeur. [Retour]
[5] Le Recueil de la transmission de la lampe donne 基上堅牢 ("ferme et stable sur [sa] base") avec en note la variante suivie ici 基址堅牢 ("une fondation ferme et stable"). [Retour]
[6] 衲帔幪頭 (lecture japonaise 衲帔を頭に幪りて) : Une évocation de la méditation assise où le moine, lorsqu’il fait froid, s’enroule et couvre sa tête d’une sorte de cape d’environ deux mètres sur trois qui peut être garnie de papier (les représentations traditionnelles de Bodhidharma le montrent couvert d’une telle cape). [Retour]
[7] 都不會 (lecture japonaise 都て会せず) : Ou encore "Je n’en comprends plus une seule". [Retour]
[8] 豈離而今遮皮袋 (lecture japonaise 豈に而今の遮皮袋を離れや) : On peut lire "Comment serait-il possible de vous débarrasser de ce présent sac de peau ?" mais également en ponctuant différemment la phrase "Comment serait-il possible de vous débarrasser à présent de ce sac de peau ?" (Les versions japonaises sont hésitantes sur la lecture). [Retour]


Traduction Éric Rommeluère. Reproduction interdite. [Télécharger et imprimer le texte au format PDF]


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