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Le Sûtra de Vimalakîrti : Présentation générale


Versions

Vimalakirti par Kôkei (mort en 1196)L’original sanskrit du Sûtra de Vimalakîrti semblait avoir été perdu, seuls des passages étaient jusqu’alors connus par des citations éparses dans quelques ouvrages tardifs sanskrits datant des VIIe et VIIIe siècles. Récemment cependant une équipe de chercheurs japonais ont découvert un Vimalakîrti en sanskrit au Tibet. L’étude de cette version permettra peut-être d’apporter de nouveaux éléments sur la genèse de ce livre.

Plusieurs traductions chinoises, tibétaines mais aussi sogdiennes et khotanaises ont été conservées. Les traductions chinoises sont les plus nombreuses ; huit traductions ont été recensées, la première, perdue, aurait été composée en l’an 188. Nous en possédons encore trois dont les traductions s’étalent entre le début du IIIe et le milieu du VIIe siècle. Elles permettent de suivre le développement d’un texte qui est resté remarquablement homogène au fil du temps, les ajouts tardifs n’ayant guère modifié sa structure interne. Le livre est divisé en quatorze chapitres (douze dans la tradition tibétaine).

Ces trois traductions se trouvent dans le canon sino-japonais (canon dit de l’ère Taishô communément utilisé aujourd'hui) sous les références et les titres suivants :
- Taishô 474, Le sûtra de Vimalakîrti. Il s’agit de la traduction de Zhiquian (jap. Shiken) composée entre les années 222 et 229. Quelques passages que l’on retrouvera dans les deux versions ultérieures, notamment le fameux silence de Vimalakîrti sur la non-dualité (chapitre 9) sont inexistants, d’autres restent embryonnaires. La traduction des termes bouddhiques est encore malhabile. Cette version sera éclipsée par celle de Kumârajîva.
- Taishô 475, Le sûtra de l’enseignement de Vimalakîrti. La traduction de Kumârajîva est datée de l’an 406. Il s'agit de la version qui fut lue et commentée par toute la tradition extrême-orientale.
- Taishô 476, Le sûtra de Renommé-l’immaculé. La traduction de Xuanzang (jap. Genjô) de l’an 650. Xuanzang travaillait apparemment à partir d’un original indien plus développé que ses prédécesseurs et malgré la précision de sa traduction, celle-ci ne put supplanter aux yeux des Chinois celle de Kumârajîva.
Les versions tibétaines reposent sur la traduction du Kandjour tibétain et celle de Dharmatasila au début du IXe siècle ainsi que sur quatre manuscrits fragmentaires retrouvés dans les grottes de Dunhuang au début du XXe siècle.


Datation

La datation de ce texte relève, comme pour tous les textes indiens, d'une gageure. On date généralement l'écriture des sûtra du Grand Véhicule du début de l’ère chrétienne. La première version chinoise aurait été traduite en l’an 188, ce qui marquerait une date butoir, malheureusement cette datation est bien tardive (la première mention n'apparaît qu'à la fin du VIe siècle) et l’existence même de cette traduction reste sujette à caution. Celle de Zhiquian, qui est conservée, a, elle, été traduite dans le premier quart du IIIe siècle. Le sûtra se trouve à plusieurs reprises cité dans Le Commentaire de la Grande Vertu de Sagesse (jap. Daichidoron) dont l'écriture remonterait au plus tard au IIe siècle de notre ère. Une analyse du texte lui-même révèle son antiquité qui doit le rendre contemporain des tout premiers textes du Grand Véhicule. Il ignore par exemple les dix terres (bhûmi) qui gradent l’évolution du bodhisattva jusqu’au suprême éveil que l’on trouvera communément citées dans les sûtra ultérieurs.

Le Vimalakîrti cite le titre d’une "rubrique de la loi" (jap. hômon), un texte qu’il recommande d’étudier aux filles de Mâra. Elle est intitulée "La lampe inépuisable" (jap. mujintô) ou "La rubrique de la loi inépuisable et constamment ouverte" (jap. mujinjôkai hômon) dans la traduction de Zhiquian. Vimalakîrti lui-même glose le titre : Comme une seule flamme allume cent mille lampes, l’esprit d’éveil du bodhisattva illumine la multitude des êtres. La métaphore se retrouve presque à l’identique dans les traductions tardives de l’Avatamsaka sûtra (cf. Taishô, X. 293, 828b) sans qu’on puisse néanmoins identifier un texte portant spécifiquement ce titre.


Traductions françaises

Le Sûtra de Vimalakîrti est accessible en français par la traduction érudite d'Etienne Lamotte (L’enseignement de Vimalakîrti (Vimalakîrtinirdesa), Université Catholique de Louvain, Louvain-la-neuve, 1962, réédition 1987) d’après le tibétain et la traduction de Xuanzang et celle, plus récente, de Patrick Carré d’après la version de Kumârajîva (Soûtra de la liberté inconcevable : les enseignements de Vimalakîrti, Paris, Fayard, 2000, collection "Trésors du bouddhisme"). Avec son appareil imposant de notes, la traduction de Lamotte est d’un abord difficile. Elle demeure cependant indispensable pour comprendre certains termes et notions du bouddhisme classique ou du Grand Véhicule que l’on retrouve presque à chaque ligne du sûtra. Patrick Carré a lui, en revanche, pris le parti de présenter sa traduction totalement dénuée de notes, si ce n’est un court glossaire en fin de volume. Sa traduction, littéraire, est à la hauteur de l’inspiration du texte. Il prend souvent des libertés de traduction au profit du style, dans le droit fil de Kumârajîva lui-même (une filiation revendiquée par Patrick Carré), plus enclin à faire résonner un texte dans la langue chinoise qu’à le traduire scrupuleusement.


Le titre

Le qualificatif de sûtra n’apparaît que dans les versions chinoises. Même si le texte débute par la célèbre formule "Ainsi ai-je entendu", il a pu paraître difficile de le considérer comme un sûtra, c’est-à-dire un enseignement délivré par le Bouddha lui-même. Le titre sanskrit reconstitué serait donc Vimalakîrti nirdesha, "L’enseignement [du bodhisattva nommé] Gloire-immaculée".

Comme dans de nombreux sûtra du Grand Véhicule, plusieurs titres sont inclus dans le corps du texte même. Le chapitre final l’intitule "Les enseignements de Vimalakîrti", Yuimakitsu shosetsu, mais également "La doctrine des libérations inconcevables", Fukashigi gedatsu hômon, que Patrick Carré traduit par "L’accès au réel dans la liberté inconcevable" (Carré, p. 192). Le sens du second titre se comprend mot à mot :
- fukashigi : inconcevable.
- gedatsu : le terme traduit ici le skt. vimoksa, "libération, délivrance". Une liste de huit libérations est courante.
- hômon, litt. "la porte de la loi (du dharma)", l’expression typiquement bouddhique a le sens d’enseignement, de doctrine, de méthode, de rubrique au sens d’une subdivision de l’enseignement du Bouddha.
Ce titre renvoie en fait au sixième chapitre qui a justement pour titre "L’inconcevable" où Vimalakîrti enseigne les libérations inconcevables (fukashigi gedatsu), non pas à proprement parler les libérations auxquelles accèdent les bouddhas et les bodhisattvas, mais les pouvoirs qui leur sont attachés.


Philosophie

Selon l’expression d’Etienne Lamotte, le Vimalakîrti serait du Mâdhyamika "à l’état pur" (Lamotte, p. 61). Ainsi tous les dharmas sont sans nature propre non nés et non détruits, ils sont calmes et nirvanés, ils sont inexprimables et impensables, ils sont égaux et non duels. La double vacuité du soi et des phénomènes y est abondamment citée. L’hypostase de la vacuité y est dénoncée. L’identité du samsâra et du nirvâna est également un thème central de l’ouvrage. Ces thèmes sont effectivement ceux qui se trouveront développés dans le système philosophique dit de la Voie Médiane (Mâdhyamika) de Nâgârjuna. À l’inverse on ne trouvera rien qui puisse préfigurer les spéculations des Vijñânavâdin (le concept essentiel dans le développement du Grand Véhicule de bouddhéité, buddhatâ, jap. busshô, est inconnu de Vimalakîrti).

Pourtant ce texte est loin d’être spéculatif ou philosophique. C’est avant tout un éloge du Grand Véhicule et de la voie du bodhisattva où Vimalakîrti édifie sans cesse ses interlocuteurs (et nous ses lecteurs). C'est un véritable traité de vie. Il s’appuie sur les nouvelles conceptions proprement inouïes – le texte revient sans cesse sur cet aspect – du Grand Véhicule (il est vrai qu’elles devaient apparaître comme telles aux yeux de la plupart des bouddhistes de l’époque) non pas tant pour les expliquer que pour en faire le fondement d’un chemin spirituel. Car c’est bien là où Vimalakîrti veut en venir : Comment vivre en bodhisattva ? Le message de Vimalakîrti vient du cœur et touche le cœur.

Que Vimalakîrti apparaisse sous les traits d’un notable de Vaishâlî, que dès le premier chapitre cinq cents fils de maîtres de maison viennent rendre hommage au Bouddha, que l’avant-dernier bodhisattva sollicité par le Bouddha pour s’enquérir de la santé de Vimalakîrti soit un banquier, n’est évidemment pas sans importance. La genèse du Grand Véhicule est complexe et demeure encore obscure. À l’évidence, il semble avoir surgi dans un contexte de sécularisation où les laïcs se réappropriaient l’antique voie spirituelle du bouddhisme. Alors que le bouddhisme ancien est marqué par un retrait, une séparation du monde, ce nouveau bouddhisme y fait, lui, retour. Le renoncement ne peut-être que celui de l’esprit. Et, dans ce retournement, il requiert même un engagement "passionné" en ce monde : le Grand Véhicule n’est pas à ce paradoxe près.

Il s’agit d’un traité sur l’engagement.


Ce texte est extrait de la préface de Entrer dans l'inconcevable : Lire Vimalakîrti d'Éric Rommeluère, un livre de commentaires sur le Sûtra de Vimalakîrti (à paraître). Reproduction interdite.

Photographie : Vimalakîrti, une œuvre du sculpteur japonais Kôkei (mort en 1196) conservée au temple de Kôfukuji à Nara. DR.


À lire :

Soûtra de la liberté inconcevable : Les enseignements de Vimalakîrti, Paris, Fayard, 2000. La traduction de Patrick Carré pour s'immerger dans le texte.
L'enseignement de Vimalâkirti (Vimalakîrtinirdesa), Université Catholique de Louvain, Institut Orientaliste, Louvain-la-neuve, 1987. La traduction annotée d'Etienne Lamotte, plus difficile d'accès.
Sengchao, Introduction aux pratiques de la non-dualité : Commentaire du Soûtra de la Liberté inconcevable, Paris, Fayard, 2004. Un commentaire chinois traduit par Patrick Carré. Pour des lecteurs audacieux.


Sur le site :

Une analyse et un résumé des quatorze chapitres du Sûtra de Vimalakîrti
Un extrait du quatrième chapitre du Sûtra de Vimalakîrti
Une synthèse au format pdf


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