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Le jeu-concours de février 2006
Enjuin de l'année dernière, vous aviez été nombreux à répondre à notre jeu-concours consacré à Idaten, le dieu coureur (ci-contre), qui avait suscité un certain engouement ! Il fallait donc bien recommencer avec une question mystère.
La question de notre nouveau jeu-concours est, cette fois-ci, fort simple : Quelle est l'entreprise mondialement connue dont le nom évoque le bouddhisme, et pourquoi ?
Vous séchez ? Allez, on vous donne quelques indices, histoire de taquiner vos neurones...
La dénomination sociale de cette entreprise n'est pas fortuite. Le concepteur du premier appareil produit par cette société avait donné le nom de Kâshyapa, comme Mahâ Kâshyapa, l'un des dix grands disciples du Bouddha, à l'élément clé de l'appareil. Quant à son logo, il était on ne peut plus explicite.... Depuis, il s'est épuré.
Que gagne-t-on ? Nous offrons un exemplaire du Soûtra de Vimalakîrti, traduit par Patrick Carré et publié chez Fayard, à la première personne qui trouvera la réponse exacte. Évidemment, on aurait pu penser offrir un appareil fabriqué par cette mystérieuse entreprise, mais nos moyens financiers ne sont pas si importants. (Serait-ce un quatrième indice ?!...)
Vous pensez avoir trouvé ? Alors concourez et courez tel Idaten... La solution et le nom du gagnant le 1er mars prochain.
Vous avez été plusieurs dizaines à nous répondre, beaucoup avec la réponse juste, mais la plus rapide fut Céline Leclère de Paris, qui répondit avec moult détails quelques heures à peine après la mise en ligne de l'énigme. La gagnante reçoit donc un exemplaire du Soûtra de Vimalakîrti.
Il s'agissait évidemment de la société Canon...
CANON : DU REGARD AU STANDARD...En
novembre 1933, Gorô Yoshida (1900-1993), un brillant technicien spécialisé dans les appareils photographiques fondait une entreprise à Tôkyô avec son beau-frère Saburô Uchida (1899-1982) et un troisième associé, Takeo Maeda (1909-1975), le Laboratoire d'Instruments d'Optique de Précision. Leur but : fabriquer et commercialiser le premier appareil photographique japonais à bon marché.
Quelques mois après, un premier prototype était créé : le Kwanon.
Une publicité parue en juin 1934 dans le magazine photographique Asahi affirmait : "L'Igo est le meilleur sous-marin, Le Model 92 est le meilleur avion, Le Kwanon est le meilleur appareil photographique. C'est ce qu'il y a de meilleur au monde." (ci-contre). Ces modèles de sous-marin et d'avion étaient alors les fleurons de l'armement japonais. Le Kwanon se voulait, à sa manière, un modèle de précision.
Le nom sinisé de Kwanon faisait évidemment référence à Kannon, le bodhisattva de la compassion, Avalokiteshvara en sanskrit. Pour tous les Japonais, Kannon est l'une des plus grandes divinités bouddhiques. Son nom évoque le regard et la vision. Kan, le premier idéogramme de Kannon, signifie "voir, contempler". On signifie "les sons". Kannon contemple le monde de son regard compatissant. Il est également connu sous le nom de Kanzeon, "Qui voit les clameurs du monde" ou encore de Kanjizai, "Maître en contemplation". Il apparaît sous cette dernière appellation dans le Sûtra du Cœur.
Gorô Yoshida avait même donné le nom de Kâshyapa à la lentille du Kwanon. Kâshyapa était l'un des dix grands disciples du Bouddha dont le nom signifie en sanskrit : "le buveur de lumière", un nom parfait pour une lentille photographique ! La légende veut que, lors de la naissance de Kâshyapa, une lumière dorée emplit la pièce et que celle-ci s'engouffra dans la bouche du bébé comme s'il l'avalait.
Le
premier logo du Kwanon représentait Senju Sengen Kannon, Avalokiteshvara à mille mains et mille yeux, l'une des formes les plus populaires de Kannon, assis sur un trône de lotus. Cette forme de Kannon apparaît dans le Sûtra de la grande compassion à mille mains et mille yeux, Senju sengen daihishin gyô, un court sûtra du tantrisme sino-japonais.
Le Kwanon resta cependant à l'état de prototype et ne fut jamais commercialisé faute pour le Laboratoire de trouver des fournisseurs pour certains de ses composants. Le Laboratoire trouva finalement un accord avec le plus important fabriquant d'instruments d'optique de l'époque, le Nihon Kôgaku Kôgyô, pour développer en commun un nouveau modèle d'appareil photographique : le Hansa Canon.
Déposée en 1935, la marque Canon devint la marque officielle du Laboratoire d'Instruments d'Optique de Précision. Le nom de Kwanon, trop difficile pour l'exportation, fut légèrement modifié pour jouer sur les multiples sens du mot "canon" utilisé en anglais et dans les langues européennes. Au demeurant, "canon" en anglais se prononce presque comme Kannon en japonais, l'accent tonique en moins. Les Canon devaient devenir des standards de l'appareil photographique ! (Le terme de canon provient du grec kanôn, "règle, modèle", lui-même emprunté à l'hébreu qaneh, "roseau, mesure"). Le logo, lui s'épura, et le bodhisattva disparut.
Le Hansa Canon fut mis sur le marché en février 1936. Il pesait 650 grammes et mesurait 13,5 cm de large. Son nom associait la marque Hansa, une marque de la société Omiya Shashin Yôhin Company, le revendeur exclusif de cet appareil.
Dans le contexte nationaliste d'avant-guerre, le Laboratoire d'Instruments d'Optique de Précision changea sa dénomination en Laboratoire d'Instruments d'Optique de Précision du Japon en juin 1936. Ce n'est qu'après la guerre que l'entreprise adopta le nom de sa propre marque comme dénomination sociale.
Qui se rappelle encore que Canon porte le nom du bodhisattva de la compassion...
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