Accueil - Sommaire
La méditation
Activités - Groupes
L'enseignant
Toucher le cœur
Les rendez-vous
Qu'est-ce que le Zen ?
Orient-Occident
Essais
Causeries
Enseignements
Textes classiques
Télécharger
Le réseau BASE
Le blog zen
Bodhidharma
Dôgen
Gudô
Jiun sonja
Album photos
Expériences
Digressions
Humour
Bouquins
FAQ
Poésie
Section membres
Mises à jour
Plan du site
Nous soutenir
Mentions légales


Une recherche rapide par mot-clé ?



Recevoir la lettre d'information ainsi que la liste des mises à jour :







Dôgen - Une biographie (septième partie)


Retour au Japon : Kenninji, les premières années au Kôshôji

Au début de la période Sheding des grands Song, à peine rentré au pays, je résolus de répandre la loi et de sauver les êtres. C’était comme de prendre une lourde charge sur les épaules. (Bendôwa)

À son retour de Chine, Dôgen revient immédiatement à Kyôto dans son temple d’origine, le Kenninji, dont Myôzen était l’abbé en titre. Il ramène avec lui les cendres et les reliques (sarira) de son maître qu’il confie à un moine qui avait pris les vœux avec Myôzen. Il rédige à cette occasion un texte court qu’il intitule Sharisôdenki ("Histoire de la transmission des reliques") où il relate les circonstances de la crémation de Myôzen en Chine. CeNissô dempô shamon Dôgen : le sramane Dôgen qui est allé au pays de Song et qui transmet la loi texte est daté du 5 du dixième mois de la troisième année de l'ère Karoku (1227). Il porte la signature de Dôgen qui se désigne déjà par le qualificatif de nissô dempô ("celui qui est allé au pays des Song et qui transmet la loi" - comme sur la reproduction de droite). Il demeure ensuite trois ans au Kenninji, une période de sa vie sur laquelle Dôgen restera particulièrement discret. Nous ne savons rien sur ses contacts avec l’école tendai dont le Kenninji était officiellement un temple, ni sur ses contacts avec la cour ou avec sa propre famille. À peine trouverons-nous quelques commentaires épars de Dôgen sur le relâchement des mœurs au Kenninji. Dans son Tenzo kyôkun ("Instructions au cuisinier"), écrit en 1237, il se désolera par exemple que le cuisinier de l’époque ne prenait pas sa charge à cœur et ne préparait pas lui-même la nourriture. Le Fukanzazengi ("Recommandations générales concernant la méditation assise"), son court manifeste sur la méditation, sera écrit dès son retour à la fin de l’année 1227. Ce texte paraphrase le Zazengi ("Principes de la méditation assise"), un célèbre texte chinois sur la pratique la méditation d’un moine de l’école Yunmen.

En 1230, Dôgen quitte le Kenninji et s'installe dans un petit ermitage, Annyo'in, à Fukakusa au sud de Kyôto. La tradition veut qu’il y vécût seul et sans disciples. C'est là qu'il y rédige à l'automne 1231 un long manifeste qu'il intitule Bendôwa ("Propos sur l’apprentissage de la voie"). Cet opuscule est un éloge de la méditation. Il s'agit pour Dôgen de l’unique méthode pour réaliser la voie du Bouddha. Il s’ouvre par cette célèbre formule :

Les bouddhas et les tathâgatas ont tous une merveilleuse méthode supérieure et inconditionnée pour transmettre directement le merveilleux dharma et pour réaliser l'éveil suprême. Transmise seulement de bouddha en bouddha sans altération, elle a pour norme la concentration de la jouissance pour soi (jijuyu zammai).

L'écriture du Bendôwa, rédigé en japonais, est vivante et n'a pas la lourdeur des textes bouddhistes de l'époque où abondent citations et gloses. La seconde partie de ce manifeste est composée de dix-huit questions et réponses qui lui permettent de préciser son enseignement. Il y développe longuement sa conception que la pratique et l'éveil ne sont pas séparés (shushô ichinyô) et qu'il est nécessaire de méditer selon les normes "des bouddhas et des patriarches". Il rejette au passage les pratiques méditatives et ésotériques des écoles tendai et shingon. Cette méthode est la grande porte d'entrée qui convient aux moines comme aux laïcs, aux hommes comme aux femmes.

Sur les ruines d'un temple proche d'Annyo'in, le Gorakuji, un protecteur de Dôgen du clan Fujiwara fait construire un nouveau temple dédié au bodhisattva Kannon. Dôgen s'y installe en 1233, le rebaptisant Kannon Dôri'in. Le sanctuaire dédié au Bouddha (butsuden), l'édifice central d'un monastère, est construit la même année. Dôgen veut construire le monastère sur le modèle chinois, mais ne semble pas bénéficier d’appuis importants. En 1235, il organise une campagne de souscription pour construire la salle communautaire (sôdô). Il s'agit d'un vaste bâtiment où sont aménagées de longues estrades. C'est sur ces estrades que la plupart des moines dorment, mangent et méditent. Le bâtiment est consacré à l'automne, le jour de la pleine lune du dixième mois de 1236. À cette occasion, Dôgen change le nom du temple en Kôshô Hôrinji (Kôshôji en abrégé). Ce choix est loin d’être anodin puisqu’il est calqué sur le nom du premier monastère chinois du système des Cinq Montagnes (gozan), le Xingsheng Wanshousi (jap. Kôshô Manjuji). Dôgen imprime là son ambition de construire un monastère réservé exclusivement au zen dans la grande tradition des Song. Mieux, il veut en faire le premier centre du zen japonais.

La construction des autres bâtiments se poursuit les années suivantes. La salle du dharma (hattô) est terminée en 1237, puis une salle supplémentaire dite des nuages (jûundô), en fait une seconde salle communautaire (preuve que sa communauté grossissait), contiguë à la première, est construite. À cette occasion, il rédige un volume intitulé Jûundôshiki ("Règles pour la salle supplémentaire des nuages", 1239). À sa lecture, on pressent que les mœurs monastiques devaient être bien dissolus puisque Dôgen se sent obligé dans ce livret de préciser que les moines ne peuvent y entrer, par exemple, s’ils sont ivres. (ci-contre, l'entrée actuelle du Kôshôji à Uji, près de Kyôto)

Ce projet architectural s'inscrivait dans un projet plus vaste que de simplement reproduire le plan d’un monastère chinois. Il s'agissait d'introduire les règles monastiques zen alors inconnues au Japon. Un monastère est une micro-société avec sa vie propre, sa hiérarchie, ses fonctions et ses usages. Dès cette époque, il commence à rédiger plusieurs ouvrages sur les comportements, même les plus triviaux, qui régissent une communauté zen. Au printemps 1237, il rédige ses "Instructions au cuisinier" (Tenzo kyôkun). À l'automne 1239, il délivre un discours qui sera inclus dans son Shôbôgenzô sous le titre de Senjô ("La purification"). Il y explique le comportement traditionnel aux toilettes, comment enlever sa robe, changer de chaussures, déféquer, utiliser du papier ou une spatule et se laver.

Son œuvre s’édifie en parallèle. Il rédige, apparemment en plusieurs fois, en 1234, son Gakudô yôjinshû, "Recueil des points à observer dans l'étude de la voie". Ce bréviaire didactique comprend dix courts chapitres où il insiste sur la nécessité de pratiquer avec un vrai maître :

La pratique de la voie ne dépend que de l'authenticité ou de la fausseté du guide. Le disciple est comme du bois de bonne qualité et le maître semblable à un artisan. Même si le bois est de bonne qualité, sa beauté ne transparaît pas tant qu'il ne trouve un habile artisan. Et s'il trouve une main habile, même tordu, sa splendeur aura tôt fait d'apparaître. Par cette image, il faut comprendre que l'éveil sera vrai ou faux selon l'authenticité ou la fausseté du maître. Dans notre pays, depuis toujours, il n'a jamais existé de maître authentique. Comment le sais-je ? Tout comme on boit de l'eau pour s'enquérir de la source, il suffit d'examiner leurs paroles. Dans notre pays, depuis les temps anciens, des maîtres ont composé des livres. Ils les ont expliqués à leurs disciples et les ont exposés aux hommes comme aux dieux mais leurs mots étaient verts et leurs paroles n'étaient pas encore mûres. Ils n'avaient pas atteint le sommet de l'étude, comment seraient-ils parvenus aux abords des marches de l'éveil ? Ils n'ont fait que transmettre des mots et réciter des noms. Ils ont compté jour et nuit les trésors d'autrui sans avoir pour eux-mêmes la part d'une demi-sapèque.

C'est à Kôshôji que la communauté des disciples de Dôgen qui le suivra plus tard dans les montagnes de la province d'Echizen se constitue. On ne peut dater avec précision l'arrivée à Kôshôji de Jakuen (1207-1299), un jeune chinois, sur lequel nous avons peu d'informations. C’est vraisemblablement au Jingdesi où il étudiait que ce moine se lia d'amitié avec Dôgen.

EjôL'hiver 1234, Koun Ejô (1198-1280 - ci-contre, son portrait) rejoint la communauté de Dôgen. Celui-ci restera toute sa vie, son plus fidèle soutien et disciple. Ejô était un noble du clan Fujiwara, de la branche Kujô et peut être un petit-cousin de Dôgen. Comme les premiers moines zen de cette époque, il étudia d’abord sur le mont Hiei les doctrines du tendai. Il s'intéressa ensuite à l'amidisme visitant Shôkyû (ou Shokû, 1147-1247), un disciple d'Hônen, à Kyôto. Il se tourna enfin vers le zen et devint le disciple de Kakuan, l'héritier du fondateur de l'école de Daruma, Dainichi Nônin, un moine tendai qui institua sa propre école zen à la fin du douzième siècle. Il semble qu'Ejô ait visité le Kenninji en 1228 et qu'à cette occasion il ait rencontré Dôgen. La tradition rapporte même leur dialogue d'alors. Certains exégètes modernes ont suggéré que les questions du Bendôwa qui font écho à certaines théories de l'école de Daruma étaient celles d'Ejô lors de cette rencontre. À Kôshôji, Dôgen le considère rapidement comme son égal. Le dernier jour du douzième mois de l’ère Katei (1236), Ejô est intronisé dans la fonction de chef des moines (shuso). Hormis un livre écrit à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la mort de Dôgen, le Kômyôzô zammai ("Le samâdhi de la réserve lumineuse"), Ejô n'a rien écrit en propre, consacrant sa vie à collecter les discours de son maître. Son Shôbôgenzô zuimonki couvre des entretiens informels de Dôgen entre les années 1235-1238. La sélection des dialogues, qui s'étend largement sur la question de la moralité et des préceptes, une question essentielle dans l'école Daruma, semble correspondre aux propres préoccupations d'Ejô. Ce Zuimonki est un essai de transcription particulièrement réussi de causeries zen en japonais qui rompt avec la tradition littéraire empesée des recueils d’entretiens (goroku) chinois.

Sans l'aide d'Ejô, Dôgen n'aurait vraisemblablement pas pu écrire son Shôbôgenzô. On ne sait quand l'idée lui vint de composer un ouvrage collectif de ses textes en japonais. Dahui Zonggao (1085-1163), fameux maître de l'école Yangqi, une branche de l’école Linji, avait composé un recueil de kôan portant le titre de Zhengfayanzang (jap. Shôbôgenzô), fameuse expression symbole de la transmission du zen. C'est vraisemblablement sur ce modèle que Dôgen intitule sa propre compilation de trois cent kôan faite en 1235 du même titre. Elle forme la matrice de son Shôbôgenzô en japonais, dont il entrevoit peut-être déjà à cette époque la rédaction. (.../...)

Continuer la lecture