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Dôgen - Une biographie (deuxième partie)


Une jeunesse aristocratique

Le douzième siècle voit l'émergence au Japon des grandes familles guerrières et leur suprématie. Les deux plus importants clans familiaux, les Fujiwara et les Minamoto s'affrontent dans la célèbre guerre civile de Gempei des années 1180-1185. Celle-ci aboutit à la victoire de Yoritomo, le chef du clan Minamoto, et met fin à la toute puissance du clan Fujiwara. Ce clan exerçait depuis trois siècles le véritable pouvoir à la cour, ses membres occupant d'une manière quasi-héréditaire les fonctions de régent impérial (sesshô) et de chancelier (kampaku).

Le nom de Minamoto désigne plusieurs familles d’ascendance impériale, dont les lignées remontent aux empereurs Seiwa (858-876), Saga (?-842) ou Murakami (926-967). Minamoto Yoritomo (1147-1199), qui gagna la guerre de Gempei et qui reçut par la suite le titre de généralissime (shôgun), instituant un gouvernement militaire (bakufu) à Kamakura, était un Seiwa Genji (c'est-à-dire un membre "du clan Minamoto [Gen en prononciation sino-japonaise] issu de l'empereur Seiwa").

Dôgen naquit en 1200. Il appartenait, lui, à la famille Koga du clan Minamoto de la branche Murakami Genji. Les Murakami Genji étaient issus du petit-fils de l'empereur Murakami, Morofusa (1003-1077). Celui-ci occupa le poste de Premier ministre (dajô daijin) et reçut le nom de Minamoto. Ses descendants se séparèrent en trois familles, les Koga, les Chûin et les Kitabatake.

L'identité des parents de Dôgen reste incertaine. Dôgen lui-même reste silencieux sur ses origines familiales. Seules deux mentions apparaissent dans son Eihei kôroku. Lors d’une cérémonie anniversaire à la mémoire d’un père qualifié de "nourricier" (sodate oya), ce dernier se voit appelé Minamoto ashô.

Montant en salle en l’honneur de son père nourricier, le ministre en second Minamoto, [il dit] : "Mon bâton est une branche d’un prunier. Dans les années Tenryaku, il a donné des graines. Ses cinq pétales aux parfums mêlés ne se sont toujours pas aujourd’hui flétris. Ses racines, ses tiges et ses fruits sont vraiment gros! (Eihei kôroku, V)

L’époque Tenryaku (947-957) marque le début du règne de l’empereur Murakami dont sont issus les Murakami Genji. Le titre chinois d'ashô (ministre en second) correspondait au titre japonais de dainagon (grand conseiller). Le ministre serait, en l’occurrence, Minamoto Michitomo (1170-1227), également connu comme le grand conseiller Horikawa.

"La généalogie de la famille Koga" (Kogake keifu) compilée en 1751 à la requête d'Ôgen (?-1761), abbé d’Eiheiji, voit dans le père de Michitomo, Koga Michichika (?-1202), le véritable père de Dôgen. Dans sa "Chronique de Kenzei commentée" (Teiho kenzeiki), Menzan Zuihô (1683-1769) accepte cette théorie et désigne Michichika comme son père naturel et Michitomo comme son père nourricier. Koga Michichika était un politicien qui appartenait au cercle de la haute cour impériale. En 1196, il organisa un coup d'état et destitua Fujiwara Kanezane. Ce dernier était alors le chef du clan Fujiwara et le régent (nairan), l'homme fort de la cour qui avait su transiger avec Minamoto Yoritomo et lui faire octroyer le titre de généralissime (shôgun) par l'empereur Go-toba. En 1198, Michichika fit nommer Tsuchimikado (1195-1231), le fils de l'empereur Go-Toba et de sa concubine Shômei Mon'in (1171-1257), qui n’était autre que la belle-fille de Michichika, comme héritier présomptif, essayant d’organiser un contre-pouvoir au gouvernement militaire (bakufu) de Minamoto Yoritomo. Ce Koga Michichika mourut en 1202.

Un document tardif connu sous le titre de "La transmission des patriarches de l'école Sôtô au Japon" (Nichiiki tôjô shoso den, 1694) donne comme mère de Dôgen, Ishi, la fille du régent (sesshô) Kujô Motofusa du clan Fujiwara. Il est vrai que le Kenzeiki comme le Eiheiji sanso gyôkôki présentent déjà Ryôkan Hôgen (1171-1217), un fils de ce Motofusa, comme l’oncle de Dôgen.

Motofusa (1144-1230) était le frère de Kanezane qui fut destitué par Michichika. Il fut lui-même régent (sesshô) et chancelier (kampaku) des années 1166 à 1179, succédant à son propre frère Motozane (1143-1166). En 1179, en disgrâce, il fut exilé comme gouverneur du Kyûshû. Il se fit alors moine sous le nom de Zenkan et put demeurer dans la région de Bizen. Autorisé à rentrer à Kyôto, il s'allia avec Kiso Yoshinaka et fit nommer Moroie (1172-1238), son jeune fils, au poste de chancelier. Au bout de six mois, Kiso Yoshinaka fut chassé à son tour de Kyôto et tué. Motofusa retomba en disgrâce et le poste de chancelier échut à son frère Fujiwara Motomichi.

Mais plutôt que de considérer Michichika comme le père de Dôgen, certains chercheurs préfèrent aujourd'hui voir en celui-ci le fils de Minamoto Michitomo (1170-1227) et d'une concubine (mekake). Dans la société féodale japonaise, la polygamie était de règle chez les aristocrates et les hommes pouvaient avoir une épouse principale et plusieurs concubines. On peut difficilement croire, comme l'assurent ses biographes, que Dôgen fut saisi par la vocation monacale et qu'il partit seul à l'âge de douze ans se réfugier dans le temple de son oncle alors qu’il aurait été le fils et le petit-fils des plus hauts dignitaires de la cour et donc promis aux plus hautes fonctions. Aux époques d'Heian et de Kamakura, la vie monastique était d'ailleurs le plus souvent un exutoire imposé pour les enfants surnuméraires des familles aristocratiques.

Les biographies rapportent également qu'un dénommé Matsudono fit de Dôgen son fils adoptif (yûshi). Matsudono est le surnom qu'avait pris Fujiwara Motofusa. On a conjecturé qu'il s'agissait en fait de Moroie, le fils de Motofusa. Il n'était pas rare qu'un dignitaire de haut rang adopte un enfant qui ne pouvait prétendre, par sa naissance, à un poste élevé. Dôgen était-il donc un fils illégitime de la maison des Minamoto ? Que penser de la quasi-totale absence de mention sur ses propres parents et sur son enfance alors que la question de la légitimité, de l'héritage et de la généalogie - mais dans le cadre bouddhique - confine à l’obsession chez Dôgen. Le zen est pour lui "la loi du Bouddha qui fut authentiquement transmise" (shôden no buppô), expression omniprésente dans son œuvre. Les maîtres y sont qualifiés d'authentique successeur (shôshi), d'authentique héritier (shôteki) ou de légitime patriarche (chakuso). Il utilise souvent le terme de teki/chaku, littéralement "le fils légitime" plutôt que son synonyme plus vague de shi, "héritier, successeur". Lorsqu'il se rend en Chine, il découvre les certificats de succession (shisho) qui ont la forme d’un arbre généalogique et qui sont traditionnellement remis par le maître à son disciple en guise d'attestation. Comme il le dit lui-même, il n'a de cesse de pouvoir de les contempler et de les chercher, "ne pouvant s'en défaire jour et nuit" (Shôbôgenzô shisho, "Le certificat de la transmission"). Que penser lorsqu'il écrit :

Puisque les bouddhas se succèdent entre eux, la voie du bouddha n'est que l'accomplissement de cette rencontre et il n'est nul moment où elle n'existe. Pour donner des comparaisons, c'est comme le caillou qui succède au caillou ou la pierre précieuse qui succède à la pierre précieuse. Et lorsque les chrysanthèmes se succèdent entre eux ou que les pins se certifient du sceau, tous les chrysanthèmes qui précèdent sont tels que les chrysanthèmes qui suivent et les pins qui précédent sont tels que les pins qui suivent. Même s'ils croisent la voie qui est authentiquement transmise de bouddha en bouddha, ceux qui ne comprennent pas qu'il en va ainsi, n'arrivent même pas à s'étonner qu'il y ait de telles expressions ni ne réalisent ce qui signifie la mutuelle succession des bouddhas et la coïncidence de l'éveil des patriarches. Il est pitoyable qu'ils paraissent du clan du bouddha et qu'ils ne soient ni des enfants du bouddha ni des bouddhas enfantés. (Shôbôgenzô shisho)

Dans le rituel de l’ordination, il introduit également un nouveau rite où le récipiendaire contemple le ketsumyaku (lit. "la lignée du sang") à la lumière d’une torche. Ce document qui lui est remis liste tous les patriarches depuis le Bouddha jusqu’au nouvel ordonné sous la forme également d’un arbre généalogique. Les noms sont reliés par un trait rouge qui symbolise le sang qui circule de l’un à l’autre.

Dôgen appartenait au cercle restreint des familles aristocratiques japonaises qui se disputaient le pouvoir en ce début du treizième siècle. Comme tous les enfants de la haute aristocratie, une éducation littéraire lui fut très tôt donnée. Les Murakami Genji avaient une tradition familiale littéraire. Morofusa, le premier Minamoto de cette lignée, est célèbre pour ses poèmes japonais (waka). Michichika, Michimoto comme Michimitsu, un autre fils de Michichika et tous proches parents de Dôgen, ont également laissé de nombreux poésies. Tous les biographes insistent sur la précocité de l'enfant à apprendre le chinois et les textes classiques. Le Kenzeiki et le Eiheiji sanso gyôkôki rapportent qu'il perdit à sa mère à l'âge de sept ans. C’est alors, semble-t-il, qu’il fut adopté par Fujiwara Moroie. (.../...)

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Le saviez-vous ?

Les biographies des moines zen recèlent toujours d'histoires singulières. L'une veut qu'un moine de l'école sôtô ait pu sauver l'âme errante de la concubine d'Hatano Yoshishige, le protecteur de Dôgen, en lui conférant les préceptes et en lui remettant un ketsumyaku qui l'inscrivait dans la lignée de Dôgen. Dessin d'enfant (source inconnue).