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Les digressions d'octobre 2005

J. D. Salinger, l'écrivain-ermite


Bodhidharma"J'ai rencontré une dame, et j'ai, disons, cessé de méditer. (...). Mais si je n'avais pas rencontré cette femme, je n'aurais pas eu à me réincarner dans le corps d'un Américain. Comprenez-moi, il est très difficile de méditer et de vivre une vie spirituelle en Amérique. Les gens vous prennent pour un farceur, si vous essayez." (J. D. Salinger, Nouvelles, "Teddy", Éditions Pocket, collection Pocket, 2005, pp. 269-270).



J.D. SalingerIncontestablement, Jérôme David Salinger est l'un des écrivains contemporains américains parmi les plus lus aux États-Unis. Un de ceux également qui attisent le plus la curiosité. Et pour cause : De toute sa vie, il n'a accordé qu'une seule interview et ce fut pour répondre à une jeune fille de 16 ans qui jouait les journalistes en herbe pour le journal de son collège. En trente ans, il n'a fait qu'une seule apparition publique... dans un tribunal où il assignait en justice des journalistes pour atteinte à la vie privée. Salinger vit en reclus en évitant tout contact avec la presse. Depuis quarante ans, il n'a rien publié. Et pourtant tout ce qu'il a écrit entre les années quarante et soixante a été réédité à de nombreuses reprises et a été traduit dans presque toutes les langues. De son vivant, ses œuvres sont devenues des classiques de la littérature contemporaine.

Évoquer la vie de Salinger requiert une certaine prudence. Les faits rapportés par ses biographes se sont souvent révélés faux ou inexacts. Le mystère est entretenu par Salinger lui-même qui a toujours refusé de parler de lui. L'unique interview qu'il a bien voulu donner à une certaine Shirley Blain en 1953 pour le journal de son collège demeure la seule source fiable en la matière.

Jérôme David Salinger est né le 1er janvier 1919 à New York (néanmoins, cette date est à prendre avec précaution compte tenu de la "mythologie intentionnelle" que Salinger a construite autour de lui et de l'absence de documents officiels qui pourrait la certifier). Son grand-père était rabbin alors que son père, peu orthodoxe, était devenu importateur de jambon et avait épousé une écossaise. Salinger fréquenta les écoles du nord-ouest de Manhattan avant de s'inscrire à l'académie militaire de Valley Forge. Ses premiers essais littéraires datent de sa première année passée au sein de cette académie : il avait quinze ans. Après l'académie, Salinger suivit, en auditeur libre, des cours de littérature à l'Université de New York et publia son premier récit, "Les adolescents", dans un journal littéraire qui fut apprécié par la critique.

Lorsque la seconde guerre mondiale éclata, Salinger tenta de s'engager comme officier, mais il fut refusé par la commission militaire qui argua de sa santé fragile. Il réussit finalement à s'engager comme interprète (certaines rumeurs en font un agent du contre-espionnage). Pendant ces années de guerre, il continua cependant d'écrire. En 1948, il publia dans le New Yorker ses premiers récits qui suscitèrent immédiatement l'intérêt du public et des journalistes. Mais l'écrivain n'était, semble-t-il, pas prêt aux éloges des critiques. Il quitta New York et s'installa dans le Connecticut où il écrivit son unique roman L'attrape-cœurs (The Catcher in the Rye). Publié en 1951, le livre connut un succès mondial et Salinger devint une célébrité américaine.

Salinger était féru, sinon adepte, des spiritualités orientales. Son œuvre fourmille de références à l'hindouisme, au taoïsme et bien sûr au bouddhisme zen. Pour l'un de ses biographes, Salinger a commencé à s'intéresser au Zen bien avant que les livres sur le Zen n'apparaissent sur les rayons des supermarchés américains. Au demeurant, l'œuvre de Salinger a contribué à ce que ces livres s'y multiplient.

La plupart des héros de Salinger cherchent à dépasser les limites de leur moi. Les méthodes sont variables. Certains écrivent des haïkus, d'autres jouent aux billes, un jeu dont la technique, dans Seymour, n'est pas sans rappeler celle du tir à l'arc japonais. Dans la nouvelle intitulée "Teddy", le personnage principal est un adolescent qui pratique la méditation et qui, tout au long du récit, explique les principes du bouddhisme.

La nouvelle "L'époque bleue de Daumier Smith" met en scène un jeune peintre talentueux et névrosé. Extrêmement narcissique, il ne peint que des autoportraits. Son désir d'améliorer le monde se transforme rapidement en une volonté de lui imposer son propre moi artistique. Un jour pourtant, devant la vitrine d'un magasin orthopédique, il vit une expérience qui lui permet de sortir un bref instant des pièges de son propre ego. Ce "soudain satori" sans pratique ni effort ne fait pas de lui un homme éveillé, mais change radicalement ses rapports au monde.

L'effondrement des illusions peut se muer en tragédie. Dans la nouvelle Un jour rêvé pour le poisson-banane, Seymour, le héros, se repose avec sa femme au bord de la mer, il va à la plage, rencontre une petite fille, joue avec elle et, en rentrant à l'hôtel, se tire une balle dans la tête. La clé de ce suicide inexpliqué au lecteur se trouve peut-être dans la fable des poissons-bananes que Seymour a raconté à la petite fille. Les poissons-bananes s'introduisent à l'intérieur de cavités pleines de bananes. Ils se conduisent comme des "cochons" et deviennent si gros qu'ils n'arrivent plus à en sortir. Pour le héros, le trou à bananes représente le monde illusoire et fictif. L'homme attrape "la fièvre des bananes" et devient finalement incapable de s'échapper de ses propres créations imaginaires et de se réaliser.

J.D. SalingerÀ l'époque où Salinger publia ses récits, les milieux intellectuels new-yorkais commençaient à s'intéresser au Zen. Les textes de D. T. Suzuki sont publiés en 1949, James Michener entame son travail sur Sayonara, et Jack Kerouac écrit Sur la route. Néanmoins, la plupart des critiques littéraires posèrent un regard perplexe sur les aspirations spirituelles de Salinger, certains l'accusèrent de prosélytisme. Les rumeurs allaient bon train : "Salinger est membre d'une secte", "il pratique l'urinothérapie et cette pratique a failli lui coûter la vie".

Salinger préféra se taire et fuir l'intérêt souvent malsain du public. Il s'installa à Cornish, dans le New Hampshire d'où il demanda à son agent de détruire toute sa correspondance. Il interdit également toute publication de photographies ou de documents personnels. Aujourd'hui, très peu de personnes ont des contacts avec lui. Écrit-il un livre ? Ou (hypothèse audacieuse), comme certains sages zen, a-t-il décidé de vivre l'invisible ?


Un article d'Irakli Machaidze (septembre 2005). [Télécharger et imprimer l'article au format pdf]


Un extrait :

"Je préférais pourtant laisser le Zen et les archers Zen en dehors de cette dissertation abondante, en partie, sans nul doute, parce que le mot Zen devient de plus en plus vite, pour ceux qui ont du discernement, un mot ordurier et en quelque sorte culturel, raisonnement qui, je dois le dire, ne manque pas de justifications, aussi superficielles soient-elles. Je dis superficielles parce que le Zen, dans sa forme pure survivra certainement à ses champions occidentaux, qui en général, semblent confondre sa doctrine du presque-détachement avec un encouragement à l'indifférence spirituelle, sinon à la dureté égoïste, et qui n'hésitent nullement à mettre k.o. un Bouddha sans avoir pris la précaution d'attendre que leur pousse un poing en or. Le Zen pur – est-il besoin de le dire ? Je crois qu'il en est besoin, à la vitesse à laquelle je vais – sera encore présent quand les snobs comme moi auront passé." (Dressez haut la poutre maîtresse, charpentiers, suivi de Seymour, une introduction, Éditions Robert Laffont, 1964, pp. 261- 262).


Les livres de J. D. Salinger traduits en français :

- Un jour rêvé pour le poisson-banane, Éditions Robert Laffont, collection Pavillons, 1984.
- Nouvelles, Éditions Robert Laffont, 1962, 1996,1999 ; Le Livre de Poche 1966, 1981 ; Éditions Pocket, 2002, 2005.
- Franny et Zooey, Éditions Robert Laffont, 1962, 1996,1999 ; Le Livre de Poche, 1971 ; Éditions du Seuil, Collection Points Roman, 1991 ; Éditions Pocket, collection Pocket, 2004.
- Dressez haut la poutre maîtresse, charpentiers suivi de Seymour, une introduction, Éditions Robert Laffont, 1964, 1996, 1999.
- L'attrape-cœurs, Éditions Robert Laffont, collection Pavillons, 1964, 1998, 1999, 2003 ; Éditions Pocket, 1994, 2002, 2005 ; Le Livre de Poche, 1996.