Un Zen à l'Occidentale est-il possible ?
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Un Zen à l'Occidentale est-il possible ? [1]

Éric Rommeluère


Un état des lieux

Voici quelques années, un petit livre de réflexions au titre évocateur, Towards a European Zen ?, brossait un état des lieux de l'occidentalisation - ou plutôt de l'européanisation - du Zen et des interrogations que celle-ci pouvait susciter [2]. Ce terme de Zen européen permet d'englober et de circonscrire un large phénomène : la constitution sur le sol européen (et plus particulièrement ouest-européen) de réseaux de centres et d'organisations se réclamant de la tradition Chan/Zen. L'adjectif le démarque bien sûr d'un Zen oriental mais également d'un Zen américain et pointe, du coup, à la fois la question de l'adaptation de cette tradition à la modernité (son occidentalisation [3]) et celle de son adaptation aux cultures locales ou nationales (son acculturation). Ce terme unificateur ne prête-t-il pas cependant à confusion ? Tout comme il n'y a pas un mais des bouddhismes, il n'y a pas un Zen, fut-il européen. Cette pluralité ne se confond pas simplement avec la multiplicité des écoles d'origine asiatique et de leurs divers avatars. Celle-ci se double d'une multitude d'approches qui ne recouvrent plus les différences doctrinales des écoles orientales. Le Zen déborde même de son cadre originel pour s'inscrire dans d'autres visions du monde non-bouddhistes. Cette hétérogénéité est également renforcée par un certain nombre de facteurs connexes : prédominance d'une organisation dans tel ou tel pays, différences culturelles, etc.

BodhidharmaComme le laisse déjà entendre cette brève introduction, je limiterai ici mes réflexions aux seuls visages - déjà multiples - du Zen européen. Parler en termes d'écoles (Sôtô, Rinzai, Sôn, Thien, etc.) ou de pays est certes commode mais, en fait, relativement peu pertinent, pour qui veut comprendre ce que recouvre ce terme. Dans le large spectre d'organisations implantées en Europe se réclamant de l'école japonaise Sôtô [4] on trouve, par exemple, d'un côté The Order of Buddhist Contemplatives fondé par l'Anglaise Jiyu Kennett (1924-1997) et de l'autre, l'Association Zen Internationale fondée par le Japonais Taisen Deshimaru (1914-1982) [5]. Tout semble les séparer malgré leur origine commune : Jiyu Kennett séjourna au monastère de Sôjiji, l'un des deux sièges de l'école et reçut la transmission formelle de son abbé ; Taisen Deshimaru fut, lui, le disciple de Kôdô Sawaki (1880-1965) qui occupa pendant plusieurs années la fonction d'éducateur des moines (jap. godô) dans ce même monastère de Sôjiji. La dénomination de The Order of Buddhist Contemplatives est presque un credo. Cette organisation se définit en effet comme un ordre religieux de contemplatifs. Pour sa fondatrice, le Zen est, sans nul doute, une religion :

"[Jiyu Kennett] déplore qu'on ait pendant des siècles dénié au bouddhisme la qualité de religion : « Parce qu'on craignait de dire la vérité de peur qu'on en fit le culte d'un dieu. Le Seigneur n'est pas un dieu, et Il n'est pas pas-un-dieu. »" [6]

Une religion qui appelle ses prêtres : les moines affiliés à cet ordre font vœu de chasteté et - signe extérieur - portent le col romain. Ils officient dans des "prieurés" ou des "abbayes", et se nomment "révérend". L'Association Zen Internationale est, comme son nom l'indique, une association et non une congrégation, puisque la législation française distingue les associations, organisations non-religieuses des congrégations religieuses. Le statut de congrégation est - il est vrai - contraignant, mais l'Association Zen Internationale (ou l'une de ses antennes) n'a jamais songé à se faire reconnaître comme telle [7]. Si Maître Deshimaru définissait le Zen comme "la religion d'avant la religion" et si ses membres se définissent comme "des moines", ce Zen-là reste foncièrement laïque. Nul n'y fait vœu de chasteté ni ne vit en communauté [8]. Ses centres urbains ne sont que des dôjôs, terme bien peu connoté religieusement. Seuls quelques centres, parmi les plus importants, seront qualifiés de temples, non de monastères.

En quelques lignes, se dessinent déjà là quelques clivages importants. Je citerai plus particulièrement trois questions dont les réponses détermineront les orientations des différentes organisations. Elles n'épuisent évidemment pas le champ du questionnement du Zen en Occident.

>>> Le Zen est-il bouddhiste ou non ? On prête au maître chinois Baizhang (jap. Hyakujô, 749-814), la formule selon laquelle le Zen ne relèverait ni du Petit Véhicule (skt. hinayâna) ni du Grand Véhicule (skt. mahâyâna). Le Zen n'a pas de livre fondateur et, à la différence des autres écoles chinoises, reposerait sur une expérience directe et personnelle. Nombre d'organisations européennes, affiliées à des écoles orientales, a priori donc bouddhistes, prônent cependant la compatibilité de la pratique du Zen et d'une autre religion, évacuant au passage les doctrines bouddhistes qui nient explicitement la possibilité d'un Dieu créateur. L'exemple, il est vrai, avait déjà été donné au Japon par Kôun Yamada (1907-1989), le second supérieur de l'école Sambô Kyôdan ("L'Ordre des Trois Trésors"), fondée en 1954 par Hakuun Yasutani (1885-1973) en rupture avec l'école Sôtô. Nombre d'étudiants de Yamada, des prêtres et des moines catholiques, furent reconnus par celui-ci comme des enseignants zen qualifiés. Sous les efforts conjugués de ces catholiques formés au Japon et de Karlfried Graf Dürckheim (1896-1988), le Zen a désormais fait irruption hors de son cadre bouddhiste. Pour Dürckheim, on le sait, le Zen - compris comme pratique et plus spécifiquement pratique de la méditation - permettrait une vie intérieure plus riche et le développement de la personnalité ; il n'aurait rien de spécifiquement bouddhiste et pourrait se marier harmonieusement avec d'autres traditions religieuses (essentiellement chrétiennes sous nos latitudes). Aujourd'hui nombre de centres refusent explicitement toute affiliation bouddhiste. Il n'est pas dans mon propos ici de décrire ces groupes souvent dirigés par des prêtres ou des moines catholiques. D'autant que le Zen qu'on qualifie parfois imparfaitement de chrétien recouvre des approches multiples : Pour les uns, le Zen ne sera qu'une simple méthode psychocorporelle de bien-être (un nouveau yoga), pour les autres, il s'agira d'une forme de spiritualité universelle qui pourra être débouddhéisée et repensée en termes chrétiens (en France, le père Jacques Breton en est un exemple [9]), pour d'autres enfin, il s'agira d'une spiritualité originale qui pourrait être pratiquée conjointement avec la religion chrétienne. Tel est cas notamment du père Willigis Jäger, un bénédictin qui enseigne le Zen de l'école Sambô Kyôdan en Allemagne.

>>> Le Zen peut-il être laïque ou doit-il rester monacal ? La laïcisation généralisée du Zen est évidente. Les Occidentaux ne se retrouvent généralement pas dans le modèle oriental clivé autour des figures du laïc et du moine. Les pratiquants (le terme n'est pas anodin - le Zen se donne à pratiquer non à soutenir) ne peuvent se reconnaître comme dévot ou bienfaiteur. Ce qu'est pourtant le laïc à l'Orientale. Et même s'ils s'intéressent à la méditation ou à l'étude du bouddhisme, ceux-ci n'ont généralement pas l'envie de quitter leur environnement social ou familial afin de se consacrer à une pratique exclusive. La plupart des centres sont urbains et non-résidentiels. Très rares sont les organisations proposant d'ailleurs une vie communautaire prenant la forme d'une congrégation religieuse.

>>> Le Zen peut-il se déritualiser ou doit-il garder ses formes ritualisées ? Les aspects cultuels et rituels sont prédominants dans les écoles orientales. Dans quelle mesure même la méditation n'y est-elle pas un rite ? Faute de lieux de culte, d'officiants qualifiés, mais aussi parfois par volonté, on a d'abord assisté à une certaine simplification des rituels dans les groupes zen naissants. Les années passant, trois tendances se sont vite dégagées : la fixation de rituels simplifiés, la prolongation de leur adaptation (notamment par des rituels effectués dans la langue du pays) ou le retour aux formes orientales (avec l'introduction et l'intégration de rituels traditionnels élaborés). Entre conformité absolue et changement radical et assumé, le spectre est large.

Il y a donc hétérogénéité des approches et des discours. Les écoles orientales ne forment pas, bien entendu, par contraste, et loin s'en faut, des blocs monolithiques. Ces écoles sont également traversées par des mouvements divers, des conservateurs se heurtent à des rénovateurs, des groupes s'opposent en termes doctrinaux. Citons un ou deux exemples. Nombre de centres Sôtô occidentaux se réfèrent directement ou indirectement aux deux maîtres japonais Kôdô Sawaki (1880-1965) et Ekô Hashimoto (1890-1965), actifs avant et après la seconde guerre mondiale. Ceux-ci critiquaient plus ou plus explicitement l'évolution de leur école depuis l'ère Meiji et prônaient un bouddhisme plus "conforme à la Loi" (i.e. le dharma, jap. nyohô). Leurs études sur le Shôbôgenzô, le kesa [10] ou les règles communautaires doivent se comprendre comme une volonté de rénovation par un retour à la tradition monastique. La (ré)intégration de l'usage des kôan par Daiun Harada (1871-1961) et Hakuun Yasutani (1885-1973) est également le fruit d'une critique virulente des doctrines actuelles de cette même école Sôtô. Souvent les différences d'ici reflètent déjà des inflexions de là-bas. Les questions même ici posées (le Zen est-il bouddhiste ou non ? Le Zen doit-il être monacal ou laïque ? Le Zen doit-il être ritualisé ou non ?) l'ont été au Japon avant d'être reproduites et reconsidérées sous nos latitudes. Croire qu'elles ne seraient que le reflet des problématiques soulevées par les adaptations relève plus de la méconnaissance. Je voudrais ici développer ce point. Mais auparavant, permettez-moi une incise afin de réfléchir un instant sur la question de la transmission. 


La transmission

Car la transmission est bien finalement au cœur de notre questionnement d'aujourd'hui. "La transmission est une altération", affirme Régis Debray. Le philosophe français est le fondateur d'une nouvelle discipline, la médiologie, qui se propose de comprendre comment et pourquoi une idée ou un corpus d'idées se transmettent et mobilisent les individus [11]. La formule de Régis Debray n'a rien de péjorative, elle exprime simplement une vérité essentielle : il ne peut y avoir transmission du même. La transmission, en tant qu'elle passe, qu'elle s'incarne en un autre, est toujours alter-ation. Et du fait même de cette altération, la transmission reste perpétuellement sous tension : Car il lui faut maintenir son identité au travers des différences. Toute transmission a donc besoin d'un corps de contraintes afin que la transmission ne se dissolve pas dans de nouvelles identités - une institutionnalisation... ainsi que d'un discours sur l'inaltéré.

Quiconque s'intéresse au Zen connaît la formule i shin den shin, "la transmission d'esprit à esprit". Elle provient du Sûtra de l'Estrade, une compilation d'enseignements attribués à Huineng (jap. Enô, 638-713), le sixième patriarche de l'école Chan/Zen [12]. Le texte rapporte les paroles de son maître lorsque celui-ci fait de Huineng, à minuit, son successeur en lui donnant sa robe (jap. kesa) :

"À présent que je t'ai transmis la robe et la loi de l'enseignement de l'illumination subite, te voilà devenu le sixième patriarche. La robe est le témoignage de cette transmission qui s'accomplit de génération en génération. La Loi se transmet d'esprit à esprit [hô i shin den shin] et est propre à mener les hommes à une révélation d'eux-mêmes." [13]

La transmission se présente donc comme conformité et reproduction. Selon le Sûtra de l'Estrade, cette reconnaissance officielle a lieu à minuit, le cinquième Patriarche craignant qu'une cérémonie officielle déclenche les foudres des condisciples de Huineng. Dans l'école Sôtô moderne, la cérémonie de "la transmission de la Loi" (jap. dempô) doit également avoir lieu à minuit. Symboliquement, la nuit efface l'altérité des visages, l'un en face de l'autre, c'est "seulement un Bouddha avec un Bouddha" (jap. yuibutsu yôbutsu), selon l'expression utilisée dans cette école [14]. Mais ce que dit également ce texte, c'est que la transmission est avant tout affaire d'inscription généalogique. Ce n'est pas seulement le jeu de deux individus. La transmission les dépasse et les inscrit dans l'ordre des générations. Elle doit ainsi renvoyer à la fois à une antériorité et à une postérité. Antériorité : toute transmission a besoin d'une légitimité et d'une référence à un Autre qui lui est toujours antérieur. Dans le Zen, il s'agira, par exemple, de la lignée mythique des bouddhas et des patriarches. Postérité : car elle commande qu'elle nous survive. Comme l'exprime Régis Debray : "Nous transmettons pour ce que nous vivons, croyons et pensons ne meurt pas avec nous." [15] Lors de cette cérémonie hautement ritualisée que constitue la transmission de la Loi, le maître prononce, dans l'école Sôtô, à plusieurs reprises la formule, "ne la laisse pas s'interrompre" (danzetsu seshimuru koto nakare). Cette injonction atteste d'une vérité universelle : toute transmission est créance sur le futur. Le futur est-il cependant toujours à la hauteur d'une telle confiance ? Tant les déformations, corrections, reformulations et autres transformations restent constitutives de l'histoire des idées.


Un Zen à l'Occidentale ?

Toute tradition est donc traversée par une tension perpétuelle entre la mêmeté et l'altérité. "Un Zen à l'Occidentale est-il possible ?" La formule interrogative amplifie l'irréductibilité de la tension plus qu'elle n'appelle une réponse qui clôturerait, une fois pour toutes, le débat. Car l'altérité n'est pas simplement ici celles des individus mais également celle des cultures. La dialectique - indicible - du même et de l'autre est toujours à l'œuvre dans toute opération de transmission. Ce que nous montre déjà l'histoire du Zen européen, pourtant fort brève.

Un Zen à l'Occidentale, donc. Il ne faut pas se méprendre sur cette expression. J'entends par là un Zen tel qu'il pourrait ou devrait s'exprimer en Occident en tant que tradition et transmission. Ce n'est donc pas un Zen revu et corrigé et réduit à une simple technique de bien-être comme le fut en son temps le yoga indien. Comme toute tradition religieuse, le Zen propose à la fois une expérience et un système qui donne à penser le monde. De par la nature même de sa pratique méditative, non-conceptuelle, l'expérience du Zen peut se prêter, il est vrai, à la décontextualisation. De fait, nombre de chrétiens pratiquent aujourd'hui la méditation zen. Tel ne pourrait être aussi facilement le cas des méditations tibétaines par exemple, où les thèmes, les visualisations, les invocations inscrivent ces pratiques dans un cadre résolument bouddhique.

Nombre d'enseignants japonais ainsi que leurs successeurs occidentaux présentent, pourtant, le Zen comme réductible à une expérience pure. Ce serait "la religion d'avant la religion" selon l'expression de Taisen Deshimaru, c'est-à-dire une expérience qui se donnerait à vivre hors de tout cadre institutionnel (éventuellement) et de tout système de croyance (sûrement). Cette expérience serait, dès lors, compatible avec la pratique d'une autre religion. Cette conception se trouve notamment développée dans l'école Sambô Kyôdan et ses diverses mouvances. Comme je l'ai mentionné, plusieurs prêtres et moines catholiques ont été reconnus comme enseignants dans cette école. Bernard Glassman, fameux enseignant zen américain et premier successeur de Taizan Maezumi (1931-1995) [16] a, lui, donné sa transmission à un jésuite, à un rabbin ainsi qu'à un imam, comme s'il voulait que le Zen s'épanouisse dans toutes les religions.

Dans un article sur le Sambô Kyôdan [17], Robert H. Sharf a mis en évidence les innovations de ce mouvement qui le démarquent des formes traditionnelles du Zen et le rapprochent des nouvelles formes de religiosité japonaise (jap. shinshûkyô). La plupart d'entre elles se retrouveront - parfois avec quelques bémols - dans d'autres organisations zen comme au Japon le Ningenzen Kyôdan ("l'Ordre du Zen Humain"), organisation laïque séparée de l'école Rinzai fondée par Eizan Tatsuta (1883-1979) [18], mais également en Europe, dans celle de Taisen Deshimaru. Parmi ces traits communs, on notera :

1. Une simplification de la pratique. "Le Zen, c'est zazen", disait Taisen Deshimaru. Mais la formule pourrait être reprise par tous ces mouvements modernistes d'origine japonaise. Le Zen s'y présente comme une voie laïque, dont les retraites de méditation (jap. sesshin) constitueront les temps forts de socialisation. Tout part et se ramène désormais à la "pratique", comprendre la méditation (jap. zazen).

2. Une critique virulente du bouddhisme traditionnel et des institutions bouddhiques. Tous les fondateurs de ces nouveaux mouvements se présentent comme des réformateurs.

3. Une relation ambiguë vis-à-vis du bouddhisme. Si leurs défenseurs conviennent que le Zen est issu du bouddhisme, ils affirment sa foncière radicalité. Le Zen est-il même bouddhiste ? La réponse est le plus souvent équivoque. Sharf écrit :

"Le Sambô Kyôdan insiste sur le fait que « le Vrai Zen » n'est ni, plus ni moins, que l'expérience du kenshô - une réalisation profonde et personnelle de la non-dualité inhérente à l'existence phénoménale. De telle sorte que les enseignants du Sambô Kyôdan affirment que le Zen n'est pas une « religion » au sens habituel du terme car il ne dépend d'aucun cadre culturel ni ne repose sur des écritures ou sur une foi. Nul n'a besoin de devenir bouddhiste, encore moins de devenir prêtre ordonné ou moine, de s'exercer au Zen, ainsi les robes, le cérémonial, les écritures, etc., peuvent être délaissés au profit de la seule recherche du kenshô." [19]

4. Une mission de conversion planétaire. Sharf rapporte que Kôun Yamada, successeur de Yasutani, souhaitait "construire un zendô [une salle de méditation] à Moscou et enseigner le Zen aux dirigeants du monde entier." [20]

5. L'abandon de toute visée sotériologique. Pour tous ces enseignants, il s'agira de construire le paradis sur terre : l'ici et maintenant, devenu maître mot primera sur l'après-vie. La méditation sera dès lors repensée comme une méthode de transformation personnelle. Eizan Tatsuta écrivait ainsi, à propos du décompte des respirations (jap. susokukan), la technique méditative qui précède la concentration sur les kôan dans l'école Rinzai :

"Le décompte des respirations a été conçu pour vous libérer de l'éternel esclavage de vos émotions et maintenir votre corps et votre esprit dans un état d'équilibre. Quel que soit le moment où vous le pratiquez, vous atteindrez un état de grand calme et ne serez pas ennuyé par les trivialités, vous pourrez prendre des décisions rapides en réaction à des événements qui vous aideront à vous protéger dans les situations d'urgence. [...] Les bénéfices du décompte des respirations ne se limitent pas à la tranquillité et à la santé. Cette concentration permettra que plein de choses iront encore mieux pour vous, y compris votre travail." [21]

Comprendre les soubassements doctrinaux de ces nouveaux mouvements est d'autant plus important que ce sont eux qui modèlent, pour l'essentiel, le Zen en Occident [22]. Tous se présentent comme une orthopraxie, non comme une orthodoxie. Tout est ramené à l'expérience, entendue celle de la méditation (jap. zazen) ou de l'illumination (jap. kenshô). Ils n'auront guère d'écho dans un Japon où l'institutionnalisation du Zen commande précisément l'orthodoxie. Le Sambô Kyôdan, le Ningenzen Kyôdan ne regroupent chacun que quelques milliers de membres dans la péninsule nipponne. Ces mouvements ne pouvaient finalement trouver un terrain d'élection qu'en dehors de leur pays d'origine. 


Adaptations

Lorsqu'on évoque l'occidentalisation du Zen, on pense le plus souvent à la question de l'adaptation plus ou moins souple des rituels (les formes). La rupture entre Philip Kapleau (l'un des tout premiers propagateurs du Zen aux États-Unis) et son maître Hakuun Yasutani provint de la volonté du premier de réciter le Sûtra du Cœur (jap. Hannya shingyô) en anglais, dans le nouveau centre américain qu'il venait de fonder, et non plus dans la forme traditionnelle sino-japonaise. Ce que Yasutani ne pouvait admettre.

Mais ce genre de réflexion n'est-il pas semblable à l'arbre qui cache la forêt lorsqu'on prend la mesure des modifications profondes de ces mouvements japonais qui se présentent à nous comme "le Vrai Zen". Ne faut-il pas plutôt élucider les stratégies du discours qui visent simplement à légitimer les transformations radicales proposées (les références à une antériorité notamment) ? Parler en termes de décadence, de rénovation, de vrai ou de faux Zen ne renvoie jamais à une historicité. Sharf, dans son étude sur le Sambô Kyôdan, montre comment ce mouvement ne peut se comprendre que ramené dans son contexte, celui d'un Japon sensibilisé à la modernité et à l'Occident. Une sensibilité au demeurant ambiguë. La question devrait finalement être celle-ci : transposée dans nos pays, l'occidentalisation de ces mouvements est-elle celle qui convient à notre Occident ?

Si l'on tente de penser le Zen dans son intégralité, non pas comme simple expérience, mais également comme système institutionnel, comme système de croyances, la question de son occidentalisation prend une tout autre dimension. On reconnaît, par exemple, que le Zen en Occident se développe sous une forme laïcisée. Mais cette laïcisation est, en fait, née au Japon à la fois d'une critique de l'institution monacale et d'une volonté expansionniste. Eizan Tatsuta, fondateur du Ningenzen Kyôdan et formé dans l'école Rinzai, en appelait à l'établissement d'une nouvelle et véritable religion universaliste qui se démarquerait des "vieilles religions assoupies dans leurs temples et leurs églises fossilisées" [23]. Il allait ainsi jusqu'à qualifier le monachisme bouddhique de véritable "poison" [24], les renonçants se dérobant, selon ses propres termes, à la construction de la société. Ce qu'il écrivait au lendemain de la défaite japonaise.

On le voit, la question de l'occidentalisation du Zen n'appartient pas qu'à l'Occident. Le Zen moderne, qu'il soit d'ici ou d'ailleurs, forme un enchevêtrement d'influences mutuelles. Si un sociologue français note que "assurément, le nirvâna ne fait pas vraiment recette chez les bouddhistes occidentaux" [25], il faut bien souligner qu'au Japon non plus. Dans un article sur les reformulations du Zen en Occident, Michelle Spuler, maître de conférences à l'Université Victoria de Wellington (Nouvelle-Zélande), l'a bien noté :

"Le Sambô Kyôdan et sa ramification, le Diamond Sangha [26], sont souvent salués pour l'accent mis par eux sur les valeurs occidentales telles que l'œcuménisme ou l'orientation laïque [donnée à la vie religieuse]. Bien que ces caractéristiques aient été mises en valeur en Occident, ces principes, qui ont bel et bien été appliqués, ne sont pas uniquement des développements occidentaux, pas plus qu'ils ne proviennent du zen japonais « traditionnel »." [27]

Au-delà des orientations déjà prises (le Zen est-il une religion ? Est-il bouddhiste ? Est-il compatible avec d'autres modes de pensées ? Doit-il être laïque ou monacal ? Comment penser la pratique des kôan dans nos cultures ? Quelles relations doivent s'instaurer entre un enseignant et ses étudiants ?), les enseignants et les pratiquants s'interrogent encore plus aujourd'hui ouvertement sur l'acculturation du Zen en Occident. Sur son site Internet, Luc Boussard, un ancien disciple français de Taisen Deshimaru, écrit par exemple :

"Outre que nous nous trouvons à la charnière de deux siècles et de deux millénaires, le Zen, qui semble avoir planté des racines profondes en Occident, aborde désormais une autre phase de son développement dans cette partie du monde, à mesure qu'une nouvelle génération de dirigeants prend la relève des fondateurs japonais. Nous pensons que cette transition est un moment historique, où le Zen est en train de se régénérer et de changer de visage." [28]

Et il propose aux différents responsables des communautés zen occidentales de répondre à "dix questions pour un bilan". Qui méritent d'être citées in extenso :

- Quel est, à votre avis, le rôle de la morale dans le Zen ? Existe-t-il une morale zen ?

- Le Zen doit-il s'impliquer dans les problèmes sociaux ? La compassion passe-t-elle nécessairement par un engagement dans ce domaine ?

- Le Zen est-il réservé à un petit nombre de chercheurs résolus ou est-il destiné à tout le monde ?

- Que pensez-vous du mélange de pratique Rinzai et Sôtô qui prévaut aux États-Unis ?

- Faut-il supprimer le kyôsaku [29] comme l'a fait le Centre Zen de San Francisco ?

- Quelle place pensez-vous que certains aspects purement japonais du Zen (sûtras chantés en japonais ancien, terminologie, vêtement...) doivent conserver en Occident ?

- Beaucoup de pratiquants du Zen semblent refuser la relation maître-disciple. Pensez-vous qu'on puisse avoir une pratique fructueuse en dehors de cette relation ?

- Y a-t-il une différence dans votre pratique de zazen selon que vous dirigez ou que vous ne dirigez pas ?

- Pensez-vous avoir progressé grâce au zazen ?

- Y a-t-il un point particulier de l'enseignement que vous souhaitez souligner ?

Si ces questions reflètent celles de nombreux pratiquants, elles effleurent à peine encore ce qui demeure les deux grands impensés de l'occidentalisation du Zen : la compréhension des cadres culturels et de pensée qui le sous-tendent et son institutionnalisation. La transmission requiert, en effet, une institutionnalisation qui garantisse, régule et circonscrive le parcours des individus. Les écoles orientales n'ont - pour l'instant - aucune instance représentative en Europe. L'école Sôtô a bien quelques missionnaires, mais ceux-ci ne disposent pas d'une autorité qui leur permettrait de réguler les groupes qui s'en réclament. Et le mouvement d'entropie que l'on peut observer est partie lié à ce démembrement institutionnel. Un Zen à l'Occidentale ne peut être fondé sans aborder ces impensés. 


Un Zen occidental

La question "Le Zen à l'Occidentale est-il possible ?" suppose une simple virtualité. Mais du fait même que le Zen soit pratiqué et enseigné par des Occidentaux, il est déjà occidental. Et ce, indépendamment que l'adaptation soit clairement assumée et recherchée, comme dans le Springwater Centre de Toni Packer [30] ou dans le Zen Peacemaker Order de Bernard Glassman [31], ou non.

Je n'ai pas la réponse aux questions que chacun pourrait se poser sur telle ou telle adaptation. Je voudrais cependant, pour terminer, vous présenter une ou deux réflexions peut-être plus personnelles encore. J'anime à Paris un groupe dont le nom est, dans le cadre de cette discussion, évocateur : Un Zen Occidental. Je cherche à y réfléchir sur le sens même du Zen en Occident. Ce qu'il signifie, ce qu'il peut dire. Ce qu'il peut nous dire. Je ne crois pas que cette tradition ait des solutions toutes faites à nos problématiques. Mais de par son écart avec notre modernité, il nous apporte, à nous Occidentaux, une nouvelle mise en perspective de nos cadres de référence.

Je n'arrive à pas à réduire le Zen à une expérience - celle de la méditation - qui en constituerait l'essence. L'adaptation du Zen est souvent considérée comme la transposition d'un noyau dur qui en constituerait son armature, et le rejet de "concrétions culturelles", pour reprendre une expression de Sharf. Je viens de recevoir le nouveau programme du Centre Dürckheim de Mirmande (en France) animé par Jacques et Christina Castermane. On peut y lire qu'ils proposent un "Zen pour l'Occident" qui prenne "en compte la réalité de la personnalité occidentale sans dénaturer l'esprit du Zen." Mais qu'est-ce que cet esprit ? Le Zen et le bouddhisme n'existent pas en dehors des personnes, des bouddhistes qui le vivent. On y cherchera en vain une prétendue essence. L'occidentalisation du Zen doit procéder différemment : par la compréhension de ses cadres de pensées orientaux ainsi que par celle de nos propres cadres (la modernité). C'est dans ce jeu dialectique qu'une occidentalisation pourra être finalement pensée et vécue. Ce qui évitera une mécompréhension ou des projections souvent hâtives de ce qu'est ou de ce qu'a pu être le Zen. Plus on veut le faire nôtre, plus il nous faut pénétrer dans les méandres de cette pensée tout autre. Les questions posées de l'adaptation prendront alors une tout autre coloration. C'est pourquoi je ne peux penser le Zen en-dehors du bouddhisme. Cette tradition est née d'un long processus de décantation du bouddhisme d'origine indienne au sein de la société chinoise. Cette fameuse méditation qui fait l'originalité de cette école et lui donne son nom est née de la volonté des bouddhistes chinois de proposer une méthode en adéquation avec les concepts du Grand Véhicule [32]. Elle ne peut se comprendre que comme l'expression des grandes théories de l'idéalisme bouddhique (s. Vijñânavâda) et de l'école du Milieu (s. Mâdhyamika). Peut-on si facilement l'oublier ?

Prenons enfin, pour terminer (provisoirement), cette fameuse question de la laïcisation. Dans les sociétés anciennes, devenir moine représentait, par la rupture totale des devoirs sociaux impérieux, une puissante alternative pour des laïcs qui voulaient s'engager dans une voie spirituelle. La renonciation au désir s'y confondait avec l'abandon des liens familiaux, sociaux et économiques. Le moine est littéralement "celui qui a quitté sa famille" (jap. shukke). "La voie du laïc est difficile, la voie du moine est facile", répètent à l'envi les textes classiques. L'archétype de l'être soumis au devoir absolu qui interdit toute pratique spirituelle est représenté par le Bouddha lui-même, ce fils de roi qui aurait dû succéder à son père. La fuite du palais et la rupture dramatique qui s'ensuit étaient à la mesure des obligations de sa charge. Mais aujourd'hui, on peut assumer sa vie professionnelle, sa vie familiale, sa vie sexuelle, sans être redevable d'obligations qui seraient perçues comme aliénantes. Le laïc, s'il mène une vie spirituelle, peut désormais trouver des espaces où l'accomplir (retraites, services, etc.). Les voies monacale et laïque ne sont plus dès lors irréductibles mais simplement deux degrés d'une implication renouvelée par la modernité. C'est dans ce nouveau contexte que la notion de bodhisattva doit être justement repensée. Accueillir cette nouvelle vision et par là se départir du modèle classique moine/laïc, voilà ce que pourrait être, par exemple, un Zen à l'Occidentale. 

Éric Rommeluère, novembre 2000. Reproduction interdite. [Télécharger et imprimer le texte complet au format pdf]


Notes

[1] Cet article est la version révisée d'une conférence donnée à Bruxelles le 14 novembre 2000 au centre Les Voies de l'Orient et publié dans le magazine Les Voies de l'Orient, n° 80, juillet-août-septembre 2001, Bruxelles, pp. 2-15. [retour]

[2] Henrik Karlsson (sous la direction d'), Towards a European Zen ? Report from a symposium in Stockholm, 11-12/9-93, Uppsala, Zenvägen, 1994. [retour]

[3] Le terme n'est guère satisfaisant puisque cette translation ne se limite pas au seul déplacement dans l'espace. L'occidentalisation est avant tout inscription dans la modernité. [retour]

[4] Fondée par Eihei Dôgen (1200-1253). Celle-ci compte près de 20 000 prêtres au Japon. [retour]

[5] Pour une description des différentes organisations citées dans cet article, cf. mon Guide du Zen, Paris, L.G.F., 1997. [retour]

[6] Cité par Stephen Batchelor, The Awakening of the West: The encounter of Buddhism and Western Culture, London, Thorson, 1995, p. 135. [retour]

[7] Les associations bouddhistes reconnues comme congrégations religieuses sont, en France, exclusivement d'obédience tibétaine. [retour]

[8] Si l'on fait exception de la petite communauté qui gère le temple de la Gendronnière, principal centre de l'association, dans le Loir-et-Cher. [retour]

[9] Jacques Breton, Vers la lumière : Expérience chrétienne et bouddhisme zen, Paris, Bayard Éditions/Centurion, 1997. [retour]

[10] Le Shôbôgenzô, "Le trésor de l'œil de la vraie loi", le principal ouvrage de Eihei Dôgen, fondateur de l'école Sôtô. Le kesa (skt. kâsâya) est l'habit monastique qu'on porte drapé sur l'épaule gauche. [retour]

[11] Des travaux médiologiques de Régis Debray on lira notamment Cours de Médiologie Générale, Paris, Gallimard, 1991, Croire, Voir, Faire, Paris, Odile Jacob, 1993, Transmettre, Paris, Odile Jacob, 1997, Introduction à la Médiologie, P.U.F., 2000. [retour]

[12] The Platform Sutra of the Sixth Patriarch: The text of the Tun-huang manuscript, traduction, introduction et notes de Philip B. Yampolsky, New York, Columbia University Press, 1967 ; deux traductions sont disponibles en français, Sûtra de la plate-forme, traduit par Catherine Toulsaly, Paris, You-Feng, 1992 et Le Soûtra de l'estrade du sixième patriarche Houei-neng, traduit par Patrick Carré, Paris, Le Seuil, 1996. [retour]

[13] Sûtra de la plate-forme, op. cit., p. 37. [retour]

[14] L'expression provient d'un des plus célèbres passages du Sûtra du Lotus. Cf. Le Sûtra du Lotus, traduit du chinois par Jean-Noël Robert, Paris, Fayard, 1997, p. 68. [retour]

[15] Introduction à la Médiologie, op. cit., p. 13. [retour]

[16] Bien qu'il resta affilié à l'école Sôtô japonaise, Taizan Maezumi, fondateur du Centre Zen de Los Angeles, est largement redevable des enseignements de Hakuun Yasutani dont il reçut la transmission. [retour]

[17] Robert H. Sharf, "Sanbôkyôdan: Zen and the Way of the New Religions", Japanese Journal of Religious Studies, 1995 22/3-4, pp. 417-458. [retour]

[18] Cf. Eizan Tatsuta, Character Building and Zen, Ningenzen Kyôdan, Ichikawa, 1999. [retour]

[19] Sharf, op.cit. [retour]

[20] Kyôshô 225 (sept./oct. 1990), p. 41, cité par Sharf, op. cit. [retour]

[21] Eizan Tatsuta, Susokukan no susume ("Conseils sur le décompte des respirations"), Ningenzen Kyôdan, Ichikawa, 1954 (version anglaise non publiée). [retour]

[22] Je me limite ici au seul Zen d'origine japonaise. Le Zen de Thich Nhat Hanh, par exemple, mériterait une étude complémentaire que le cadre de cette intervention ne me permet pas d'aborder. [retour]

[23] Character Building and Zen, op. cit., p. 58. [retour]

[24] Ibid., p. 15. [retour]

[25] Frédéric Lenoir, Le bouddhisme en France, Paris, Fayard, 1999, p. 336. [retour]

[26] Fondé par Robert Aitken (né en 1917), successeur de Kôun Yamada et l'un des principaux promoteurs du Zen aux États-Unis. [retour]

[27] Michelle Spuler, "Qu'est-ce que le Zen ? La reformulation du Zen à l'attention de l'Occident", in "Le bouddhisme en Occident : approches sociologiques et anthropologiques", Recherches Sociologiques 2000/3, Louvain-la-Neuve, pp. 33-47. [retour]

[28] Deux Versants : http://www.deuxversants.com. [retour]

[29] Le bâton d'admonition utilisé pendant la méditation. [retour]

[30] Étudiante de Philip Kapleau, Toni Packer s'est en séparée pour fonder un centre où toute référence explicite au Zen japonais ou au bouddhisme a disparu. [retour]

[31] Cf. Bernard Glassman, L'art de la paix : Un maître zen engagé dans le monde d'aujourd'hui, Paris, Albin-Michel, 2000. [lire un extrait] [retour]

[32] Cf. Neal Donner, "The Mahâyânization of the Chinese Dhyâna tradition", The Eastern Buddhist, Kyoto, vol. X, n° 2, October 1977, pp. 49-64. [retour]


À lire sur le site :

¿Es posible un Zen a la occidental?, la version espagnole de cette conférence.
Le Zen en Europe : un état des lieux, une analyse d'Alioune Koné, sociologue des religions.
Les figures de l'école Sôtô moderne.


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